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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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la
tonsure sombre, je me dis qu’il avait raison en un sens au moins. Si les
monastères étaient dissous il ne jouirait plus d’un seul havre en Angleterre. Même
son odeur épicée différait de la puanteur commune. Il devrait supplier qu’on
lui accorde un permis pour se rendre à l’étranger, dans un monastère d’Espagne
ou de France. Et peut-être ne l’obtiendrait-il pas, ces pays étant devenus nos
ennemis. Si le monastère était dissous, le frère Guy avait plus à perdre que
les autres moines.

18
    C onduits
par l’Abbé, les moines entraient en procession dans l’église. Le frère Guy me
quitta pour se joindre à eux. Je vis, venant du bureau de la comptabilité, le
prieur Mortimus et le frère Edwig traverser en hâte la cour du cloître en
compagnie de deux autres retardataires. Goodhaps m’avait affirmé que les deux
hommes dirigeaient la maison, me rappelai-je. Pourtant, je n’avais aperçu aucun
signe d’amitié entre eux. Le prieur marchait très vite, faisant gicler la neige,
le petit économe courant presque pour le suivre. Mark se joignit à moi. Il
était flanqué du vieux Goodhaps qui lançait des regards vers le ciel redevenu
gris.
    « Bonjour, messire Shardlake. Pensez-vous qu’il va
neiger ? demanda-t-il d’un ton anxieux. Je veux me mettre en route dès la
fin de l’office.
    — La route de Scarnsea est praticable. Allons, venez !
Nous allons être en retard. »
    J’entrai le premier dans l’église. Les moines avaient franchi
le jubé et s’étaient installés dans les stalles du chœur. Je les entendais
tousser et remuer les pieds. De ce côté-ci du jubé, le cercueil de Singleton, toujours
ouvert, avait été placé sur des chaises. Un peu plus loin, un autre cercueil, celui
de Simon Whelplay, était entouré de cierges. L’abbé se tenait à côté du
cercueil de Singleton, mais pas trop près, car lorsque nous approchâmes nous
perçûmes à nouveau l’odeur de pourriture.
    « Si vous autres laïcs vouliez bien rester près du
cercueil pendant qu’on chante l’hymne funèbre, dit-il d’un ton solennel, et
ensuite porter le cercueil jusqu’au cimetière. Le prieur Mortimus s’est proposé
comme quatrième porteur. Si, euh… (il jeta un coup d’œil à ma bosse)… vous en
avez la force.
    — J’en ai tout à fait la force, répliquai-je sèchement, tout
en tressaillant à cette pensée.
    — Moi, j’en suis incapable ! s’écria Goodhaps de sa
voix flûtée. J’ai de l’arthrite à l’épaule, je devrais passer une semaine au
lit…
    — Très bien, messire Goodhaps, répondit l’abbé d’un ton
las. Je vais trouver un moine pour faire le quatrième porteur. » Pour la
première et la dernière fois, l’abbé et moi échangeâmes un regard de connivence
par-dessus la tête du vieil homme. Puis il s’inclina avant de passer de l’autre
côté du jubé, tandis que nous nous asseyions derrière le cercueil de Singleton.
Goodhaps toussota et enfouit son nez dans son mouchoir.
    L’office commença. Ce matin-là, bien que je fusse assis derrière
le cercueil nauséabond d’un homme assassiné, je me laissai bercer par la
merveilleuse polyphonie des moines. Les psaumes et les lectures en latin tirées
de Job étaient émouvants.
    « Et tu demandes : Que connaît Dieu ? Peut-Il
juger à travers la nuée ? Les nuages épais lui font un voile qui l’empêche
de voir. Et Il parcourt le cercle des deux. »
    « Les nuages épais », c’est le cas de le dire, pensai-je.
Je suis toujours dans le brouillard. Je me secouai avec colère. Je devais me
ressaisir. Où était ma détermination ? C’est alors que je songeai soudain
à un élément que je n’avais pas encore pris en compte, bien que j’eusse dû le
faire. J’étais assis entre Mark et Goodhaps. Le vieil homme gardait son
mouchoir contre son nez, tandis que Mark, absorbé dans ses pensées, regardait
droit devant lui. Je le poussai du coude.
    « Alice sera-t-elle à l’infirmerie ce matin ? chuchotai-je.
    — Je crois bien.
    — Parfait. » Je me tournai vers Goodhaps. « J’aimerais
que vous m’y accompagniez avant de partir. » Il prit un air de victime.
    Je me remis à suivre l’office. Les chants montaient et
descendaient avant de cesser peu à peu. Les moines sortirent du chœur et un
serviteur qui attendait dans l’église se précipita pour ramasser le couvercle
du cercueil. Je regardai une dernière fois le visage dur de Singleton, et me le
rappelai soudain

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