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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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respect.
    — C’est peut-être vrai, mais ce n’est pas le seul, et de
loin ! Si nous devions éviter ce genre de lieu en restant au coin du feu, nous
serions tous réduits à la mendicité, non ?
    — Mais maître Mark n’est pas comme les autres, monsieur.
    — En quoi est-il différent ? Allez ! Joan, vous
êtes tombée sous son charme, comme toutes les femmes.
    — Non, monsieur, dit-elle, piquée au vif. Ce n’est pas
cela. Peut-être est-ce que je connais mieux son caractère que vous. Derrière
cette charmante apparence il y a un caractère d’une douceur exceptionnelle. L’injustice
lui fait mal. Je me suis demandé s’il n’avait pas d’une certaine façon cherché
à se perdre en fréquentant cette demoiselle, afin de quitter Westminster. Il a
des idéaux élevés, monsieur, et je pense parfois qu’il en a trop pour survivre
dans notre monde cruel.
    — Je croyais que c’était moi qui avais des idéaux élevés,
dis-je en souriant tristement. "Et les écailles tombèrent de mes yeux. "
    — Plaît-il ?
    — Rien, Joan. Ne vous en faites pas. Il faut que je lise
cela.
    — Bien sûr. Veuillez m’excuser, monsieur.
    —  Il n’y a pas de mal. Et, Joan, je
vous remercie de votre sollicitude. »
    **
    J’ouvris l’enveloppe en poussant un soupir. Elle contenait
des notes prises par Singleton, ainsi que des lettres rédigées par lui à l’intention
de Cromwell pour le mettre au courant de ses progrès auprès de Mark Smeaton. Elles
révélaient clairement qu’un plan avait été froidement ourdi afin d’exécuter le
jeune musicien après avoir fabriqué de fausses preuves. La révélation que la
reine avait couché avec un homme de si basse extraction serait particulièrement
choquante aux yeux du public, précisait Singleton. C’est pourquoi il fallait à
tout prix le prendre au piège. D’un ton moqueur, il décrivait Smeaton comme un
benêt, un agneau à mener à l’abattoir. Après avoir fracassé son luth contre le
mur sous ses yeux c hez Cromwell, on l’avait laissé nu dans une cave
toute une nuit. Mais il avait fallu le torturer pour le contraindre à signer de
faux aveux. Je priai qu’il fût désormais en sécurité au paradis.
    Une note de Singleton concernait la famille du jeune homme. Sa
mère était morte et il n’avait plus que son père. Pas d’autre parent mâle. John
Smeaton avait une sœur aînée quelque part en province, mais à cause d’une
brouille il ne l’avait pas revue depuis des années. Singleton signalait à
Cromwell que l’absence de parents haut placés leur facilitait la tâche. Ainsi
ils pourraient traiter le jeune homme comme bon leur semblerait, sans risquer
qu’on leur demande des comptes.
    Je remis soigneusement les feuillets dans l’enveloppe. Je
revis l’enterrement de Singleton, le couvercle du cercueil se refermant sur son
visage, et j’avoue que désormais cette vision me réjouissait le cœur. Je
demandai qu’on m’amène le cheval. Il était temps de partir pour Whitechapel. J’étais
ravi d’enfiler mon manteau et de ressortir pour poursuivre un but précis. Cela
me permettait d’échapper au tohu-bohu régnant dans mon esprit.

29
    L e
trajet à cheval était long jusqu’à Whitechapel, faubourg situé bien au-delà du
mur d’enceinte de Londres et où poussaient de jour en jour de nouvelles
misérables masures de torchis. De plusieurs dizaines de cheminées, des filets
de fumée montaient dans l’air serein. Là le temps glacial n’était pas seulement
un pénible désagrément… En voyant le visage émacié et l’air affamé des
habitants, je me disais que pour certains d’entre eux ce serait une calamité de
trop. Les rares puits à leur disposition devaient être gelés, car de nombreuses
femmes revenaient du fleuve chargées de seaux d’eau.
    Bordée de plusieurs ateliers, la rue où s’était trouvée la
fabrique de Smeaton était l’une des mieux loties. Les documents de Singleton
précisant qu’il avait habité dans un bâtiment d’un étage contigu à une forge, je
le repérai assez vite. Il ne s’agissait plus d’une menuiserie. Le volet fermant
la devanture de l’atelier avait été cloué et peint. J’attachai la rosse à un
poteau et frappai à la fragile porte de bois.
    Elle fut ouverte par un jeune homme pauvrement vêtu dont la
tignasse brune encadrait un visage hâve aux joues creuses. Il me demanda d’un
air morne ce que je voulais, mais, lorsque j’expliquai que j’étais

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