Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
Vom Netzwerk:
plaies à vif. Nombre
d’entre eux étaient malades : le corps couvert de croûtes et les yeux
bordés de pus, ils avaient perdu la moitié de leurs plumes. Il y en avait
autant par terre, tombés morts au milieu de grands tas de fientes poudreuses, qu’accrochés
aux parois des cages. Le pire c’étaient leurs cris. Certains des malheureux
oiseaux poussaient des plaintes rauques et désespérées, comme s’ils suppliaient
qu’on mît fin à leurs souffrances, d’autres hurlaient constamment les mêmes
paroles en diverses langues. J’entendis des expressions en latin, en anglais, et
aussi dans des langues que je ne comprenais pas. Deux d’entre eux, accrochés
aux barreaux, la tête en bas, s’apostrophaient, l’un répétant sans cesse « Vent
favorable ! » et l’autre lui répondant «  Maria, mater
dolorosa  » avec l’accent du Devon.
    Médusé, je contemplai cet horrible spectacle jusqu’à ce qu’une
main brutale s’abatte sur mon épaule. Me retournant, j’aperçus un marin vêtu d’un
pourpoint crasseux qui me regardait d’un air méfiant.
    « Qu’est-ce que vous fabriquez ici ? demanda-t-il d’un
ton brusque. Si c’est pour affaires, il faut aller au bureau de maître Fold.
    — Non, non. Je ne faisais que passer. J’ai entendu le
raffut et j’ai voulu voir de quoi il s’agissait.
    — C’est la Tour de Babel, hein, monsieur ? ricana-t-il.
Des créatures possédées par l’esprit et qui ont le don des langues ? Non, c’est
juste une nouvelle cargaison de ces oiseaux dont les gens de condition
raffolent.
    — Ils sont en piteux état.
    — Y en a des tas là-bas d’où ils viennent. Y en a
toujours qui meurent pendant la traversée. D’autres vont mourir de froid. Ils
sont fragiles. Sont jolis quand même, pas vrai ?
    — Où les avez-vous dénichés ?
    — Sur l’île de Madère. Y a un marchand portugais là-bas.
Il a compris qu’il existe un marché en Europe pour ces bestioles. Vous devriez
voir les articles qu’il achète ou qu’il vend, monsieur. Tenez, il embarque des
flopées de nègres d’Afrique pour les envoyer comme esclaves aux colons du
Brésil. » Il s’esclaffa, montrant des dents en or.
    Je n’avais plus qu’un désir : fuir l’atmosphère glaciale
et fétide de l’entrepôt. Après un mot d’excuse, je m’éclipsai et remontai sur
ma jument. Les cris déchirants des oiseaux, leurs imitations terrifiantes du
langage humain me poursuivirent le long de la rue boueuse.
    **
    Après avoir longé le mur de la Cité, je pénétrai dans un
Londres soudain gris et embrumé où résonnait le bruit de l’eau dégouttant de la
glace qui fondait sur les toits. J’arrêtai ma monture devant une église. En
général, j’allais à l’église une fois par semaine, mais il y avait plus de dix
jours que je n’avais pas assisté à un office. J’avais besoin de réconfort
spirituel. Je mis pied à terre et entrai dans le bâtiment.
    Il s’agissait d’une de ces opulentes églises de la Cité dont
les fidèles sont des marchands. À Londres, nombre de ceux-ci étant désormais
réformateurs, il n’y avait aucun cierge. Les figures de saints sur le jubé avaient
été recouvertes de peinture et remplacées par un verset biblique :
     
    Le Seigneur sait délivrer les justes de la tentation et faire
attendre les mauvais jusqu’au jour du jugement, où ils seront punis.
     
    L’église était vide. Je passai derrière le jubé. L’autel
avait été dépouillé de ses ornements, la patène et le calice posés sur une
table nue. Un exemplaire de la nouvelle Bible était attaché au pupitre par une
chaîne. Je m’assis sur un banc, rassuré par ce décor familier, en opposition
totale avec celui de Scarnsea.
    Mais toutes les décorations de l’ancienne époque n’avaient
pas disparu. De ma place, j’apercevais un sarcophage du siècle dernier composé
de deux cercueils de pierre, l’un au-dessus de l’autre. Celui d’en haut était
surmonté de l’effigie d’un riche marchand dans sa belle robe, barbu et bien en
chair. Sur celui du dessous était étendu un cadavre décharné portant les
haillons des mêmes vêtements, accompagné de la devise : « Tel je suis
maintenant ; tel j’étais jadis. Un jour tu seras tel que je suis aujourd’hui. »
    Tandis que je contemplais le cadavre de pierre, j’eus soudain
la vision du corps décomposé d’Orpheline surgissant de l’étang, puis je revis
les enfants chétifs et malades de la

Weitere Kostenlose Bücher