Dissolution
inclina le buste et fît son sourire forcé.
« Monsieur le commissaire… Mes livres sont correctement
tenus, n’est-ce pas ?
— Ceux qui sont en notre possession, en effet. Je
souhaiterais m’entretenir avec vous, s’il vous plaît.
— Assurément. Juste un instant, je vous prie. » Il
se tourna vers son assistant. « Athelstan, il est clair comme le jour que
vous avez modifié un chiffre dans la colonne de gauche pour dissimuler le fait
que vos comptes ne tombent pas juste. » Je remarquai que son bégaiement
semblait disparaître lorsqu’il était en colère.
« De quelques pence seulement, frère économe.
— Un penny est un penny. Vérifiez chaque ligne, toutes
les deux cents, jusqu’à ce que vous trouviez l’erreur. Je veux voir apparaître
un vrai bilan, ou aucun. Vous pouvez disposer ! » Il fit un geste et
le jeune moine s’éclipsa.
« Exc-cusez-moi, monsieur le c-commissaire, mais j’ai
affaire à des c-crétins. »
Je fis signe à Mark d’aller garder la porte devant laquelle
il se posta, la main sur la poignée de l’épée. L’économe jeta sur lui un regard
inquiet…
« Frère Edwig, dis-je d’un ton sévère, je dois vous
accuser d’avoir dissimulé l’existence d’un livre de comptes au commissaire du
roi, un registre à la couverture bleue que vous aviez cherché à cacher au
commissaire Singleton, registre que vous avez récupéré après son assassinat et
que vous ne m’avez pas remis. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ? »
Il s’esclaffa. Mais lorsqu’on leur présente un acte d’accusation
en bonne et due forme, nombreux sont ceux qui éclatent de rire pour
décontenancer leur accusateur.
« Mordieu, monsieur ! m’écriai-je, est-ce que vous
vous moquez de moi ? »
Il fit un geste de dénégation.
« Non, monsieur. P-Pardonnez-moi, mais vous vous t-trom-pez.
Il s’agit d’un malentendu. Est-ce la jeune Fewterer qui vous a raconté ça ?
Bien sûr. Le frère Athelstan m’a dit que cette p-péronnelle l’avait vu
d-discuter avec le commissaire Singleton. »
Je jurai à part moi.
« La façon dont j’ai découvert la chose ne vous regarde
pas. Je veux connaître votre réponse.
— B-bien sûr.
— Et ne bredouillez pas exprès pour avoir le temps d’inventer
des mensonges. »
Il soupira et joignit les mains.
« Il y a eu un m-malentendu avec le c-commissaire
Singleton, Dieu ait son âme ! Il a demandé nos livres de c-c-c…
— Vos livres de comptes, d’accord.
— Comme vous, monsieur, et je les lui ai remis, t-tout
comme à vous. Mais, c-comme je vous l’ai dit, il venait souvent seul à la
c-comptabilité quand elle était fermée p-pour voir ce qu’il p-pourrait trouver.
Je ne nie pas ses d-droits, monsieur, mais ça c-créait de la c-confusion. Le
jour où il a été tué il avait abordé Athelstan au moment où celui-ci fermait
les p-portes en lui agitant un registre sous le nez, c-comme cette fille a dû
vous le dire. Il l’avait pris dans mon bureau privé. » Il écarta les mains.
« Mais, monsieur, il ne s’agissait pas d’un registre de c-comptes. Il ne
contenait que des notes, des p-projections concernant de futurs revenus que j’avais
élaborées il y avait déjà un certain temps, c-comme il l’aurait vu dès qu’il l’aurait
examiné d’un peu près. Je peux vous le montrer si vous le souhaitez.
— Vous l’avez repris après sa mort chez l’abbé sans en
aviser personne.
— Pas du tout, monsieur. Les serviteurs de l’abbé l’ont
trouvé dans sa chambre quand ils l’ont nettoyée. Ils ont reconnu mon écriture
et me l’ont rendu.
— Mais quand nous nous sommes entretenus vous avez
affirmé ne pas savoir exactement quels livres le commissaire Singleton avait
empruntés.
— J’avais oublié. Ce registre n’a aucune imp-portance. Je
p-peux vous le faire porter et vous p-pourrez vous en assurer vous-même.
— Non. On va aller le chercher avec vous. »
Il hésita.
« Eh bien ?
— Bien sûr. »
Je fis signe à Mark de s’écarter, puis nous traversâmes
derrière lui la cour du cloître, Mark ayant pris une lampe pour éclairer le
chemin. Le frère Edwig déverrouilla la porte de la comptabilité et nous
montâmes l’escalier jusqu’à son cabinet de travail. Il ouvrit un tiroir du
bureau fermé à clef et en retira un mince registre bleu.
« Le voici, monsieur. Vérifiez vous-même. »
J’en parcourus les pages. En effet, il n’y avait pas
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