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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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brûle un cierge. Pourtant, l’enfant est si gai, si souriant, si beau, avec ses cheveux blonds, que les réticences premières laissent bientôt place à de nouveaux sentiments. Le prochain valet du bourreau, exclu de tout rapport, est devenu l’ami commun. Il rend visite aux démunis, il offre du pain, et quand il n’a pas de pain, il apporte sa joie. Certains bourgeois vont même le prendre en affection. Après avoir distribué ses vivres et répandu la consolation, il passe, là où les verrous sont maintenant hors d’usage, partager la soupe.
    Mais un beau jour, tout change.
    Car ce qui a changé, c’est le prêtre de la paroisse.
    Et ce nouveau médecin des âmes ne voit pas d’un bon œil que la main de la justice se mêle à la vie du peuple. Si la sentence n’effraie plus, qui la craindra ? C’est la porte ouverte à toutes les licences. Il faut maintenir la vertu par la peur du jugement, et que le diable reste en enfer. Les ouailles de notre bon curé sont averties, à grand renfort de sermons. Pour penser par soi-même, il faut écouter son cœur ; mais pour savoir ce qu’ils ont à faire et à qui obéir, les paroissiens vont à la messe. Ce qui s’était ouvert se referme. À double tour.
    Pour Jean, rien n’y fait. La liberté… Il a ça dans le sang. Elle est plus forte que lui, plus forte que les autres. Ne pouvant plus lier commerce avec les habitants remis dans le droit chemin, il se tourne vers ses semblables. Chaque ville porte ses enfants sauvages. Les orphelins sont les moineaux de l’humanité. Jean s’est trouvé un nouveau foyer, un foyer sans toit ni maître. Le soir, il rentre chez lui, mais la journée, il est dehors, avec ses féaux, une troupe de va-nu-pieds dont il prend la tête.
    Notre prêtre ne les aime pas beaucoup, et ceux-là le lui rendent bien. Depuis quelque temps, il faut se méfier. Le vin de la messe est souvent du vinaigre, des couleuvres se glissent un peu partout, jusque dans le lit des bien-pensants, tout particulièrement celui de monseigneur l’abbé.
    La vengeance est un plat qui se mange froid, paraît-il.
    Le curé va bientôt savourer la sienne.
    Une nouvelle bande vient d’arriver. Ce sont d’autres gamins sans feu ni lieu, passant à Rouen plutôt qu’ailleurs. Ceux-là sont des durs à cuire. Ils roulent des épaules et jouent les fiers-à-bras, une fronde dans une main, un couteau replié dans la poche.
    Pour eux, toute cohabitation avec une corporation rivale est impensable. Ils n’obéissent qu’à une loi : celle du dominant.
    En croisant Jean et son groupe, ils vont chercher querelle. Jean et le chef du camp adverse, un dénommé Lamortdieu, se livrent un combat de coq à mains nues. L’enjeu est le suivant : conquête ou sauvegarde du territoire, allégeance au vainqueur. Mais Jean et Lamortdieu sont de forces égales. Ils sortent de la rixe avec autant de bleus et d’écorchures l’un que l’autre. Il faut donc trouver un autre moyen de trancher.
    On se lance un défi.
    Une jeune fille, étrangère au clan, arbitrera la compétition.
    Jean et Lamortdieu partent chacun de leur côté. Ils doivent accomplir séparément un haut fait qui les honore. La jeune fille aura à juger lequel des deux aura été le plus héroïque.
    Jean n’hésite pas une seconde. Il escalade l’église la plus proche, celle dans laquelle notre bon prêtre fustige les pécheurs, en fin de semaine. Il grimpe au clocher et se fait reconnaître. L’exploit impressionne. De là-haut, Jean entend des cris. Des cris de colère… Ils viennent de l’église. Le prêtre en sort en tenant sous son bras le malheureux Lamortdieu, pris la main dans le sac. Lamortdieu voulait voler une paire de chandeliers, dans la sacristie. Martyrisé par Jean et sa bande, le prêtre pourrait pourtant forcer leur respect, tant il est fort comme un Turc. Lamortdieu a beau se débattre, il est serré dans un étau, comme le pays tout entier dans la serre de l’aigle rouge – le cardinal de Richelieu.
    Quand le prêtre s’avance avec le prisonnier, il voit qu’une part des regards, à l’extérieur, ceux des curieux attirés par le bruit ne se dirigent pas vers lui, comme le bon sens l’exigerait, mais vers le ciel.
    Le prêtre ne peut songer à s’en offusquer. Il va même suivre l’exemple, et sans lâcher son braconnier, tourner son regard vers les hauteurs. Il voit Jean et comprend ; on a voulu jouer au plus brave. L’un s’est fait monte-en-l’air, l’autre, tout au

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