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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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s’en faire un autre.
    Un tribunal au fond des bois. L’envoyé de la Providence
    “J’ai donc toute la vie devant moi, une poignée de pièces d’or en poche, et un pendentif sacré autour du cou. De quoi tenter l’aventure, à la grâce de Dieu.
    Je cours jusqu’à l’épuisement de mes forces. Quand je tombe, à perte d’haleine, je me relève. Sans écouter mon corps, je reprends ma route, droit devant moi. Enfin, vaincu, à bout, je m’effondre à même le sol. Il ne fait pas encore jour. Je ne sais même pas où je suis, à quelques lieux de Rouen tout au plus, dans un chemin perdu à travers bois. Je m’endors aussitôt, face contre terre, la sueur au front.
    Au matin, je suis brutalement tiré du sommeil, à coups de pied dans les côtes.
    — Te voilà bien tombé, il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas ! s’exclame mon tourmenteur. C’est Lamortdieu, ce jeune homme privé de son poing.
     
    Quand je me relève, je vois qu’il n’est pas seul. En dépit de sa diminution, ses forces ont décuplé. Il n’est plus entouré de jeunes maraudeurs, mais par des hommes en rupture de ban, des malandrins armés jusqu’aux dents. Ces renforts restent aux arrières, assis sur une souche, debout sur un talus.
    Lamortdieu s’approche de moi et me murmure à l’oreille, en me mettant son moignon sous le nez :
    — Ça ne repousse pas, comme un pied de vigne, avec du sang neuf. J’aurai jamais de travail honnête, une femme qui veuille de moi, une famille… du moins, dans le vrai monde, ton père et toi m’en ont chassé à jamais ! Mais qui se ressemble s’assemble. Avec eux, je ferai ce qu’il faudra, plus rien ne me retient. Damné chez les hommes, je suis reçu comme un prince chez les truands et les coupeurs de gorge.
    Puis, cette fois, il me montre son autre bras, sa main libre.
    — J’en ai plus qu’une, mais je saurai bien m’en servir, elle aura de la force pour deux, je lui ferai tenir le poignard, j’lui laisseraipousser les griffes ! Ce sera une poigne d’acier et une mâchoire de lion, j’enfoncerai ses crocs dans le cœur des gens, je me nourrirai de leurs sangs et de leurs entrailles ! Je vivrai comme un loup ! Tout le mal que je ferai me fera du bien ! Je me vengerai ! De tous et de toi en premier. Je vais pas te laisser t’en tirer. Tout ça, c’est de ta faute, maudit soit le jour où je t’ai rencontré !
    — Tu te trompes, dis-je, j’y suis pour rien.
    — Et ça ! me dit-il en montrant ma bourse pendue à ma ceinture. Regardez, vous autres, continue-t-il à haute voix, le beau cadeau qu’il nous fait ! Tu crois que je sais pas ce qui s’est passé, comment t’as arrangé le coup ? On m’a pris, mais je suis pas un petit mion. Tu m’as vendu ! C’est toi qu’as fait venir le prêtre, toi ou l’un de ta bande. Comme ça, tu gagnais ! Et mieux… t’étais sûr de me voir disparaître, loin de chez toi ! Cet argent, je sais ce que c’est ! C’est ta prime ! Ta part ! Ton or, c’est mon sang, mes cris et mon poing tranché qui te l’ont donné ! C’est pas aussi cher payé qu’une pendaison, qu’une tête mise au panier, mais c’est toujours bon à prendre !
    J’ai beau dire que je suis parti après sa condamnation, pour fuir ma condition, pour vivre libre, il refuse d’entendre. Pour lui, tout est clair : j’ai passé accord avec mon père.
    — Tu vas voir que les traîtres et les voleurs connaissent le même châtiment. Je vais pas t’ouvrir la panse. Je vais te laisser souffrir. Le plus longtemps possible. On va te rendre la pareille. Coup pour coup, main pour main !
    — C’est qu’un enfant, dit l’un des brigands en crachant à terre, avec un sursaut d’indulgence.
    — C’est pas un enfant, c’est pas un homme, corrige un autre, c’est le fils du bourreau.
    — Demain, dit encore un troisième, c’est lui qui te fera monter en haut d’une potence, qui te passera la corde au cou. Il a raison, Main-gauche.
    — Le mieux, ce serait encore de le mettre en quartiers, d’en faire un de moins, reprend l’un de mes juges.
    — Non, dit Lamortdieu, aujourd’hui, on ne lui prend que sa prime et sa main. Ça n’empêche pas de lui passer une correction ! Depuis quelques jours, j’ai les nerfs à vif, faut que je cogne, ça soulage.
    On m’a encerclé. Je ramasse un bâton pour me défendre, mais la partie est jouée d’avance. Au premier coup que je tente deporter, on répond par le fer, en tranchant ma défense. Mon

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