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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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vois l’évidence en face et j’aperçois la fuite. En cas de défaite, il suffira de dire à Henri que je me suis fait voler l’argent – oubliant presque que songer à lui mentir, c’est le trahir une seconde fois – et pour comble, dans un quartier pourtant sans risque. Ou tout simplement que je l’ai perdu, qu’il est tombé de ma poche… Oui, moi aussi je suis prêt à tomber dans la boue.
     
    — Tirez au hasard, dis-je à mon adversaire sans sou ni maille, en lui tendant la bourse ouverte.
    L’homme sourit, s’exécute et dit :
    — Pile, je ramasse ce précieux pendentif et ta bourse bien garnie… ton argent de poche. Face, tu deviens un gentilhomme de parchemin et je ne suis plus rien.
    Il s’apprête à tendre son bras, à faire voler la pièce, mais je retiens son geste.
    — Attendez. J’ai moi aussi une requête de dernière minute. Prenons un tiers, un arbitre de la Providence. Pas d’accord sans cette condition.
     
    L’homme est contraint d’accepter ou j’abandonne la partie, pour de bon. Je tourne la tête et je passe en revue l’assemblée rieuse et buveuse qui vit sa vie quand je joue la mienne. Quel inconnu choisir dans ce fourmillement d’individus ? Quel homme vais-je rendre complice de ma destiné ?
    En vérité, ma décision ne sera ni vaine ni fortuite.
    Je veux garder mes arrières et protéger mes chances de victoire. Je n’ai nulle confiance en la bonne foi de mon adversaire et je crains d’avoir affaire à un mauvais perdant.
     
    — Celui-ci, dis-je en désignant l’élu.
    C’est un bel homme, élégant, vêtu à la dernière mode, portant l’épée en verrou.
    Je vais le voir et lui demande de bien vouloir nous rejoindre. Il est entouré de quelques compagnons du même âge et du même monde. Tous sont armés. J’aurais pu choisir l’un ou l’autre, mais le visage de celui que j’ai désigné m’inspire confiance.
    — Monsieur, lui dis-je en l’apostrophant le chapeau à la main, nous ne nous connaissons pas, mais j’ose solliciter votre concours dans une affaire qui ne prendra qu’une minute.
    Poliment, cet homme m’accorde ce que je lui demande. Il me suit. Une fois revenu à la table où tout va se conclure, je lui expose brièvement l’enjeu : un document roulé, enfermé dans un étui – notre gentilhomme dépossédé ne tient pas à afficher devant un autre inconnu sa déchéance –, contre mes biens, le tout joué sur une pièce jetée en l’air de sa main, afin d’épargner à l’un des participants toute tentative de tricherie.
    L’homme consent.
    — Très bien, dit-il. Mais pour plus d’impartialité, jouons avec l’une de mes pièces. Il tire un florin de son gousset et le lance au-dessus de lui.
    La roue de la Fortune tourne plusieurs fois sur elle-même… mais arrive l’instant de la chute. Revenu à son point de départ, le soleil se fixe sur le dos de la main. Face apparaît.
    Comme je le redoutais, mon adversaire rechigne à céder.
    Le gentilhomme doit prendre ma défense.
    — Allons, monsieur, dit-il, il faut vous résoudre. La chance a parlé. Ne la mettez pas en doute ou vous me feriez offense. Comportez-vous en honnête homme.
    Les épées sortent du fourreau. Un combat pourrait s’engager, mais les compagnons de l’arbitre, alertés par ces mouvements d’humeur qui ne leur ont point échappé, viennent en renfort.
    L’arrivée de ces soutiens oblige mon adversaire à être raisonnable, faute d’être beau joueur. Il s’incline et me cède son inestimable document. J’ai gagné.
    Le vaincu entraîne son ami à le suivre. Tous deux quittent la taverne, sans plus de salutation.
    — Monsieur, dis-je à mon protecteur, comment vous remercier ?
    — Je n’ai fait que mon devoir. Me direz-vous ce que vous avez gagné ?
     
    Cela, mieux vaut le taire que s’en vanter.
    — Un sauf-conduit pour une nouvelle vie, dis-je, en glissant les lettres de noblesse sous mon pourpoint.

Les lettres
    Désormais tout est possible, même l’impossible.
    J’effectue les tâches que m’a confiées Henri et je rentre aussitôt.
    J’ai franchi le Rubicon.
    Pour l’heure, tout me conseille de garder mon secret, mais je brûle de le révéler à Jeanne, mon âme sœur, le meilleur de moi-même. Il faut encore attendre le lendemain. Henri doit rendre visite à un voisin. Il va s’absenter toute la journée pour rentrer le soir venu. C’est l’occasion à saisir.
    Dès qu’Henri a passé les grilles de sa propriété, je cours

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