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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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à Condé. Un prince de sang ne peut être jugé par un inférieur.
    — Il a désobéi à la règle pour écouter sa conscience. Des soldats sont morts en vain, une bataille fut perdue, le roi connut un échec, tout cela Henri voulait l’éviter.
    — Votre maître est une forte tête.
    — Une âme bien trempée. Il a payé pour son audace, et avec les autres, le salaire d’une campagne menée à l’aveugle et soutenue par orgueil en dépit des mises en garde… son bras gauche est resté couché sur le champ guerrier au milieu de ses frères d’armes vaincus par le fer et par le feu.
    — Votre discours est bien dangereux, il sent le mutin à plein nez. L’élève vaut le maître. Ces paroles pourraient vous barrer la route. Un autre que moi vous obligerait à vous montrer moins bavard ou à poursuivre votre réquisitoire derrière les verrous.
    — Mais vous, vous me comprenez.
    Tréville se retourne. Un sourire mal dompté relève le coin de sa moustache.
    — Décidément, vous ne manquez pas d’air.
    — Vous me comprenez et vous respectez la franchise d’un cœur loyal. Mieux, vous l’encouragez.
    — Peut-être, oui… Mais un mousquetaire doit aussi apprendre à se taire. En effet, je ne le cache pas, vous me plaisez. Cependant, j’ignore, monsieur le risque-tout, ce que vous valez aux métiers des armes.
    — Mettez-moi au défi.
    — Que d’impatience…
    — Les morts sont patients. Ils ont l’éternité devant eux. Moi, je veux vivre sans attendre et je maudis ces heures perdues où mes forces vives restent inutiles quand elles ne demandent qu’à servir l’honneur du roi. Ce sang qui bout dans mes veines, s’il pouvait batailler pour une juste cause, crierait de joie s’il avait des lèvres. Mon cœur est là, fou peut-être, mais ardent, prenez-le, qu’il ne batte plus pour lui mais à la cadence que lui imposera votre tambour !
    — Que de flamme !
    Tréville fait appeler l’un de ses meilleurs hommes.
    — Bartigasse ! dit-il, quand le mousquetaire franchit le seuil, voici un jeune homme qui ne demande qu’à en découdre. Voyons si c’est un importun qu’il faut corriger d’une volée de bois vert ou une bonne souche capable de vous tenir en respect.
    Tréville nous demande nos épées et nous lance une paire de cannes. Je n’attendais que cela. Des faits. Des preuves.
    Cependant, si j’évite les premiers assauts, je me laisse prendre de court et je manque d’un cheveu de recevoir un traître coup en pleine poitrine, un coup qui m’eût rabattu d’entrée de jeu. Je roule à terre plutôt que d’être touché et je suis aussitôt remis sur pied. L’affrontement nous pousse hors des lignes. Les portes s’ouvrent, nous poursuivons nos passes d’arme dans l’antichambre, puis dans les couloirs, en haut du grand escalier, sous les yeux d’une vingtaine de mousquetaires. Après avoir paré toutes les attaques, basses et hautes de mon adversaire, je passe à l’offensive. Je ne suis plus seulement les leçons d’Henri, répétées cent fois, j’ose écrire quelques phrases de ma propre main, je n’écoute plus ce que l’on me dicte… Et je signe, d’un coup d’arrêt. La pointe de mon bâton s’arrête net, à un pouce du cou de mon adversaire.
    Tréville renvoie son homme et m’invite à le rejoindre dans son cabinet. Les portes restent ouvertes.
    — Belle démonstration, me dit-il, j’en conviens et je suis connaisseur. Bien. Résumons. Vous avez l’audace de venir sans rendez-vous, avez-vous au moins une lettre de recommandation ?
     
    Je dois inventer un subterfuge, je trouverai plus tard le moyen de retomber sur mes pieds, et de faire avaler la dragée à Henri.
    — Je suis allé si vite en la portant, trop heureux de l’avoir enfin méritée, que je ne pris garde aux tire-laine qui me bousculèrent. J’avais la tête dans les nuages, je me voyais déjà dans la cour d’honneur. On me l’a prise. Mais je supplierai Henri de m’en écrire une autre.
    — Encore cette fougue, toujours cette fougue ! Nous verrons plus tard. Vous êtes donc audacieux, emporté, vif et vous savez vous battre. Cela commence à peser d’un certain poids dans la balance. Il me faut encore savoir qui vous êtes.
    Pour être mousquetaire, on ne vous demande pas d’être riche, mais d’avoir plus de courage qu’un Romain, plus d’adresse qu’un Spartiate, et enfin d’être de bonne lignée.
    — Tenez, monsieur, dis-je en tendant les lettres d’une main tremblante,

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