Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
Vom Netzwerk:
aux bras de Jeanne. Celle-ci veut se jeter à mes pieds, je la relève.
    — J’ai à te parler, me dit-elle…
    La nouvelle que j’ai à lui apprendre ne peut attendre une minute de plus.
    — Moi d’abord, lui dis-je. Je vais être mousquetaire et je vais t’épouser.
    — Mais comment, me dit-elle, tu sais bien que ces deux folies ne peuvent se marier…
    — À moins de braver la Fortune !
    Je lui montre en grande hâte les lettres de noblesse, ce laisser-conduire pour la Gloire.
    — Attends-moi ! lui dis-je en l’embrassant avec fièvre, le cœur exalté, je reviens ce soir. De grâce, ne dis rien à Henri, c’est à moi de le faire. Je lui parlerai de notre amour, je lui demanderai ta main, je lui dirai que monsieur de Tréville veut me voir à l’essai… Il sera bien obligé de nous féliciter. Il comprendra. Il faut qu’il comprenne.
     
    Je n’en dis pas davantage. Je suis trop pressé de courir au temple des dieux, de graver mon nom, fût-il celui d’un autre, d’une main ferme, sur la pierre de ses murs. Il me reste encore à emporter une dernière victoire, la plus haute, mais porté par mon élan et ma bonne étoile, je me sens capable de tout.
    J’ai déjà oublié que Jeanne voulait me parler. Quand je m’en souviens, je suis loin. Il est trop tard pour rebrousser chemin.Après avoir saigné ma monture, j’arrive enfin devant l’hôtel de monsieur de Tréville, rue du Vieux-Colombier.
    Je n’ai songé qu’à une chose : présenter des documents faisant loi et me garantissant un passage dans le monde, une place dans la sacro-sainte institution militaire, auprès de ceux qui sont la pointe de l’épée.
    Je n’ai réfléchi à rien, j’ai éludé tous les obstacles intermédiaires. Je rentre tête baissée dans la fosse aux lions, coiffé d’un vigogne dégarni, chaussé de bottes éculées, défendu par la garde d’une arme passée de mode.
    Les escaliers sont pleins.
    Toute une légion de mousquetaires tient conciliabule. Les bons mots, les rires francs, les plaisanteries douteuses se renvoient la balle. Je devrai attendre mon tour. Quoi, attendre ? Prendre place dans la file d’attente, quand je viens de traverser les rangs, de monter les échelons en un tour de main ? Hors de question. Pour atteindre mon but, je dois continuer de voler comme une flèche. Qui veut franchir les limites de sa condition doit marcher à l’allure d’un brigand en cavale. En me voyant monter les marches par trois, on veut me retenir. Une dépêche urgente pour monsieur de Tréville, dis-je en sortant de mon pourpoint crotté le bout de l’étui de cuir retenant les lettres enroulées … ordre du roi. Ces mots, l’air résolu dont je m’empanache, éloignent les doutes. Qui que je sois, pour agir de la sorte, je ne peux être effectivement que mandaté par les plus hautes instances. On me laisse passer, on m’ouvre la route.
    Je suis conduit à la porte du maître.
    On m’introduit, et monsieur de Tréville, de qui l’on s’approche pour murmurer à son oreille ces mots qui font tout, congédie ces messieurs avec lesquels il était en entretien. La porte se referme derrière eux.
    — Monsieur, je vous écoute. Qu’avez-vous à me dire, qu’avez-vous à me donner ?
    — Je viens me donner, moi, dis-je ne me décoiffant, et en saluant de ma plus belle révérence, et je viens vous dire que je veux être des vôtres.
    Tréville comprend vite.
    — Diable, vous ne manquez pas de toupet ! Faire croire que le roi vous envoie…
    — Mais c’est la vérité, monsieur. Le roi des rois m’a poussé jusqu’à votre porte. Je suis venu poussé par mon âme, et cette âme, Dieu en est le maître. Je ne fais donc que lui obéir, je ne fais donc que Le servir.
    Tréville m’observe sous toutes les coutures. Puis, après un instant d’attente, il me libère enfin du silence :
    — Dieu n’est pas un écervelé. Il a dû vous donner quelques garanties.
    Je cite le nom d’Henri, en m’appuyant sur lui, en disant la vérité, qu’il fut mon instructeur.
    — Vous me parlez d’un mousquetaire sorti du rang, dit Tréville, en revenant derrière son bureau, prêt à s’asseoir.
    — Sans avoir failli à son honneur. Mousquetaire un jour, mousquetaire toujours , me répète-t-il depuis des années.
    Tréville repousse sa chaise et va près d’une grande fenêtre. Il regarde Paris.
    — Je connais l’histoire, me dit-il. Il savait ce qu’il avait à perdre en ouvrant sa bouche. On ne répond pas

Weitere Kostenlose Bücher