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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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cavaliers. En vérité, cette piste est facile à suivre. On les voit de loin, on ne manque pas de remarquer leur belle allure. D’ailleurs, ils ne sont pas pressés. Ils prennent le temps de sourire aux femmes qui rosissent en me désignant la rue par où ils viennent de passer. Ils font marcher leurs destriers au petit pas, ils jettent des sacs de pièces aux manants, ils ont toutes les élégances.
    Je les retrouve enfin.
    Ils sont là, à quelques foulées seulement. Ils tournent à main gauche, s’engagent dans une étroite venelle. Je m’en approche. Je sors l’épée. C’est une impasse au bout de laquelle pend une enseigne en fer forgée. Les figurines, un faune cornu et une Vénus callipyge, suspendues aux deux bords de la cartouchetitrant le lieu Au bon plaisir , ne laissent place à aucune ambiguïté.
    Ici, le verbe aimer se conjugue au présent, moyennant finance.
    Je revois le tableau comme s’il était accroché au mur, devant moi. Un grand escalier en pierre conduit à une large porte. Une porte écarlate surmontée d’une lanterne rouge. Les murs sont couverts de lierre. La vigne vierge est à l’honneur. Des tourterelles roucoulent dans une cage en osier vert anglais, posée sur le perron. Des pigeons et des colombes volent d’un balcon à l’autre. Il y a trois fenêtres à l’étage. Celle du milieu est entrouverte. Sa vitre polychrome miroite au soleil. Sur le côté, un autre escalier, dont on ne voit que l’angle des marches, conduit à une porte dérobée.
    La moitié de la rue est plongée dans l’ombre. La lumière est au bout du chemin.
    Les cavaliers descendent de leurs chevaux. Ils montent l’escalier, heurtent le marteau contre la porte. Une femme bien en chair les accueille à bras ouverts, mais en bloquant le passage de toute sa largeur.
    — Voilà beau temps qu’on ne vous avait vu, monsieur Philippe, dit-elle à mon ennemi. Je vous croyais mort. Je vois que vous n’êtes pas seul.
    — Mes disciples… répond le visiteur en présentant ses affidés. Il y aura du travail pour tout le monde. Nous en voulons trois chacun.
    — Quelle santé !
    — C’est Pâques, la Violay ! Je reviens à la vie et j’ai une faim de loup ! dit-il en portant la main à la poitrine de la maîtresse de maison.
    — J’ose espérer, sans faire offense, que la bête n’est plus aux abois. Je vous recevrai volontiers, mais cette fois, dit la femme en tendant la main, il faut montrer patte blanche.
    — Tiens, Cerbère , lui répond l’homme en lui déposant une bourse dans la main. Voici le denier de saint Pierre. Pour tous mes péchés. Ceux d’hier et d’aujourd’hui.
    — Dans ce cas, dit la femme en empochant la somme et en poussant sa porte, le Paradis vous est ouvert.
    Les filles approchent, sortent de l’entrée, encadrent ces messieurs, se pendent à leurs bras, tandis que l’ogresse les encourage :
    — Allez, mes agnelles, courez vous faire dévorer…
     
    — Un instant ! dis-je en approchant.
    Je suis plongé dans cette pénombre qui couvre la première moitié de la ruelle, mais le fil de mon épée luit dans les ténèbres.
    — Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? demande mon homme en repoussant ces filles accrochées à lui.
    — Je suis un homme à qui vous avez fait miroiter la lune, en lui tendant l’échelle de votre nom pour y monter. Mais le bois était pourri, il a cédé sous mon poids à la première marche.
    Je fais un pas de plus et mon visage sort de l’ombre.
    — Ah ! C’est toi ! dit-il. Un homme… tu veux dire un enfant en quête d’identité.
    Les autres s’interrogent. Les hommes et les femmes. Les amis et les filles de joie. Les compagnons de débauche sont prêts à montrer les dents, mais leur maître les retient.
    — Attendez-moi sans bouger. Je descends, je règle cette affaire et je remonte.
    L’homme vient à ma rencontre, sans craindre la pointe de mon arme. Il se juge à l’abri. Il croit que l’argent paye tout, rachète tout… il se trompe.
    — Eh oui, me dit-il, tu es bien jeune, quoique tu paraisses plus que ton âge. Tu sens encore le pain frais et l’herbe verte. Ce parfum qui va te quitter pour ne plus jamais revenir, c’est celui de l’innocence. Remercie-moi, je viens de faire ton éducation. Tu avais peut-être des songes plein la tête : inutile fardeau. Tu rêvais de te mesurer au monde… Mensonge, tricherie, veulerie : le monde est une putain, le monde est faux. Une âme qui se réveille, c’est une pucelle qui

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