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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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premier pas, attirée par une tache voyante, ma tête se tourne vers l’une des fenêtres donnant sur la rue. La plus à gauche, la première des six qui couvrent le mur de façade.
    Toute la torpeur qui m’engourdit s’évanouit en un clin d’œil.
    L’instinct du chasseur veillait sous la grisaille d’une ivresse en déclin.
    Je reconnais cette silhouette en parade qui va passer devant mes yeux, avec insouciance et suffisance. Ce passant qui garde son calme pour remonter l’avenue, c’est ce traître infâme qui m’a cédé des lettres trop belles pour être vraies, de l’encre fraîche et non le sang de ses ancêtres. Comble de l’arrogance, il sourit franchement. Il est magnifique, habillé de velours rougeoyant, couvert de rubans soyeux, coiffé d’un large feutre aux plumes chatoyantes, chevauchant un pur-sang aussi décoré qu’une chasse espagnole.
    Ce faussaire, qui ressemble maintenant à un seigneur de Vérone, est suivi par une garde d’amis. La suite n’est pas moins voyante que le centre, une suite de bretteurs aux tenues resplendissantes. Oui, mon ennemi passe sans me voir, de l’autre côté de ces murs,je n’ai qu’à franchir la porte et tirer le fer pour l’atteindre, le faire déchoir, plus bas que terre.
    — C’est lui ! dis-je à Henri, sans pouvoir retenir le cri de la vérité.
    Henri tourne la tête. Tout comme moi, il voit le profil de ce bellâtre à qui ne manque qu’un oiseau de proie perché au bout du poing, il dévisage ce faraud aussi reluisant qu’une pierre précieuse, cette figure de tableau quadrillé par les croix de ces fenêtres ouvertes sur la rue.
    Henri réalise qui vient là… Et il reste figé.
    Dans quelques instants, le traître va disparaître de notre vue. Il passe maintenant devant l’avant-dernière fenêtre.
    Je m’élance vers la porte.
    Mais Henri se place entre elle et moi.
    — N’y va pas. Ils sont trop nombreux. Ce serait une folie. Oublie cette histoire.
    — Jamais ! dis-je avec emportement. Jamais ! Il me revient et je devrais le laisser fuir ? Cela ne lui suffit pas de m’avoir mis à genoux ! Il faut encore qu’il s’échappe en emportant ma vengeance… mon honneur… le peu qu’il me reste !
    — Et Jeanne ? Et moi ?
    Je fais un pas de plus. Henri est décidé à s’interposer.
    — Prends ma main, dit-il, il est encore temps. Ne me force pas à lever le bras. Pas contre toi. Pour t’empêcher de commettre l’irréparable.
    — Décidément, Henri, dis-je plein de dépit, tu ne sais pas rester à ta place ! Il faut toujours que tu te mêles de ce qui ne te regarde pas.
    — Je t’interdis de dire ça.
    — Tu n’as aucun droit sur moi. Je ne suis pas ton fils, je ne t’ai rien demandé.
    — Petit ingrat ! me dit-il en m’envoyant une gifle.
     
    L’homme a dépassé la rue, mais je peux encore le retrouver. Je ne laisserai pas passer ma chance. Je suis prêt à tout. À tout faire, à tout dire.
    — Au fond, tu n’as jamais pensé à moi. Tu voulais m’éloigner de chez toi, me donner ton nom, ton nom maudit, me faire mousquetaire pour me sortir des jupes de ta fille !
    De nouveau, Henri essaye de me gifler, mais cette fois j’empoigne sa main – cette seule main dont il dispose. Oublierais-tu que je suis maintenant le plus fort des deux ! Voilà ce que lui dit ce regard qui domine le sien.
    Je vais plus loin, plus bas.
    — Et maintenant, tu te résous à me voir l’épouser… parce qu’ainsi tu es bien certain que je ne monterai pas plus haut que toi. Tu peux être soulagé, je ne réussirai pas là où tu as échoué ! Ton orgueil ne souffrira pas de cette humiliation.
    — Non, me dit-il, les yeux bordés de rouge, mais comme elle est cruelle, celle que tu m’infliges aujourd’hui. Au vrai, tu ne seras jamais mousquetaire et crois-le ou non, je le regrette amèrement… mais prends garde de ne pas devenir un mercenaire.
    D’un geste brusque, il parvient à se détacher, à me repousser. Il tire l’épée.
    — Qu’est-ce que tu vas faire, dis-je avec un air de défi, me tuer ?
    — Te désarmer. Te ramener à la raison, par la force s’il le faut.
    L’aubergiste surgit, effaré.
    Cette diversion me permet de pousser Henri de toutes mes forces. Et mes forces sont déchaînées. Il va chuter au sol, assommé par un coin de table.

Au bon plaisir
    Après m’être assuré qu’Henri vit toujours, qu’il n’est qu’inconscient, je sors précipitamment. Je me fais indiquer la trace de mes

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