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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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conclure, tandis que Monsieur Philippe tombe comme un pantin désarticulé.
    Deux de moins.
    De mon côté, je profite également de la stupeur de mes adversaires pour frapper d’estoc. J’ai porté une première pointe au bas-ventre, puis la seconde au milieu du cou. Il est fini, le temps où je montrais encore trop de clémence. Mais quand je me retourne,Henri fléchit, puis il tombe. L’une de ses cuisses est ouverte de long en large. Avant de s’effondrer, il peut encore lever le bras et contrer un coup de tranchant. Notre dernier homme ne peut parer sur deux fronts. Je tire sur le flanc, ma lame s’enfonce par le côté, jusqu’à la garde. C’est une boucherie. Les morts se chevauchent. Des flaques de sang couvrent l’esplanade. Henri veut se relever, mais l’effort est vain. Il ne peut plus marcher.
    La porte dérobée vient de s’ouvrir.
    Une main se tend.
    — Venez ! Vite ! me dit-on.
    En effet une milice approche. Une dizaine d’archers.
    Je veux soulever Henri, le porter, mais il me repousse violemment.
    — Qui tombe, meurt, me dit-il. Relève-toi ! Et promets-moi de rester debout ! Jure-le !
    Je veux le supplier de me suivre, j’implore son pardon. Mais tout ce qu’il veut, c’est un oui de ma part.
    J’obéis. Je pars. Je l’abandonne.
    Je passe la porte dérobée, des larmes plein les yeux, la honte au cœur, la rage au ventre, sans pouvoir empêcher le guet de prendre cet homme brisé qui vient de me sauver pour la deuxième fois.
    Il veut payer pour moi, racheter mes fautes au prix de sa vie.
    Le remplaçant
    Les duels sont interdits.
    Quiconque sera pris sur le fait sera décapité en place publique.
    Richelieu n’entend guère la plaisanterie en matière d’édit.
    Pour empêcher les bretteurs au sang chaud de s’ouvrir les veines à chaque coin de rue, sans rime ni raison, le cardinal veut faire des exemples. Lui aussi ignore la miséricorde. C’est une lutte à mort. Il faut marquer les esprits au fer rouge, et briser les indomptables. La noblesse ne pourra plus s’ébattre à sa guise. Elle marchera derrière l’État ou derrière le bourreau.
    Henri ne fera pas exception à la règle : il donnera sa tête.
    Je suis l’auteur anonyme de ce drame. J’ai juré. Je ne peux me faire reconnaître, accompagner mon maître pour son dernier transport. En sortant de chez Tréville, je pensais avoir tout perdu. Comme je me trompais ! On m’avait arraché un bras, on ne m’avait pas encore arraché le cœur. Désormais c’est chose faite.
    La honte, le dégoût sont si forts que je ne peux retrouver Jeanne. Comment lui avouer ce qui est arrivé ? Lui dire les yeux dans les yeux que son père va mourir à cause de moi…
    Je ne pourrai plus jamais lui parler, plus jamais la toucher.
    Elle ne doit plus me voir.
    Je dois disparaître.
    Cependant, je reviens une dernière fois aux alentours, à quelques pas de sa porte, dans cette maison où nous fûmes aux anges avant que j’y verse les larmes, la mort et la désolation.
    Je vais voir Paul, un voisin, un ami. Il aime Jeanne en secret. Mais il s’efface. J’ai lu dans son cœur.
    — Tu as ta chance, lui dis-je simplement. Jeanne aura besoin d’une épaule sur laquelle s’appuyer. Tu lui offriras la tienne. Et tu lui donneras ceci de ma part, dis-je en lui tendant le médaillon, mon porte-chance.
    Je lui explique ce qui s’est passé, ce que j’ai fait. Cela aussi, il pourra le transmettre, afin qu’elle sache… faute de comprendre ou de pouvoir pardonner un jour.
     
    Avant de quitter la France, je tiens à subir ma part de supplice. Quand Henri s’avancera sur l’estrade, quand il placera sa tête sur le billot, je serai là, je verrai tout.
    Dans les faubourgs, ce jour-là, une nouvelle sensationnelle fait grand bruit.
    Monsieur de Paris, le maître exécuteur de la Ville, ne pourra accomplir son devoir. Il est fort souffrant et tout aussi incapable que notre Cid originel de l’hôtel de Bourgogne de monter sur les planches. Il doit céder sa place à un remplaçant, homme de probité et de grand métier, dont la réputation n’est plus à faire.
    Cet homme vient de Rouen. Cet homme, c’est monsieur Germain Hackard de La Hache, mon propre père.

Retrouvailles
    Il pleut.
    Une pluie fine sous un ciel couleur de muraille.
    Je me suis mêlé à la foule, déguisé en badaud. Le mauvais temps me sert de couverture. Grâce à lui, je peux me faufiler dans les rangs, un méchant feutre de laine descendu jusqu’aux yeux,

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