Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
dans le feu de l’enfer les ennemis de la croix.
En voyant arriver cette femme, si belle, si ensorcelante, il vacille.
Le voilà pris à son tour. Serait-ce une sorcière pour envoûter ainsi, d’un regard, l’âme et la chair ? Francisco cache son trouble. Il ne doit rien laisser paraître de sa faiblesse. Diego le prend à partie, il lui raconte ce qui vient d’arriver, comment il fit la rencontre de Gabriela, comment il va pouvoir défendre à la fois son propre honneur et celui de cette femme qu’il aime déjà.
— Ce soir, j’irai me battre, et je tuerai mon premier homme, ma lame va enfin connaître le goût du sang !
— Fou que tu es ! lui répond son ami… Tu ne sais même pas qui est cette femme, tu ne connais pas plus ton adversaire !
— Cette femme a été insultée, cet homme, tout fier et riche qu’il puisse être, s’est comporté comme un sauvage, j’en sais bien assez pour prendre ma place entre l’offensée et le lâche !
Gabriela demande à rester seule avec le malade.
Les proches s’inquiètent, mais il faut la laisser agir : Ruis, qui sent venir sa fin, l’exige et consent à un ultime recours avant de libérer son cœur et de soulager sa conscience.
Quelques instants plus tard, Gabriela sort de la pièce, avec la même sérénité qu’elle montra en y entrant.
— N’ayez crainte, dit-elle à Diego, votre père vivra, il est sauvé.
Le bal
En effet, un miracle s’est produit.
Quelques heures plus tard, don Ruis peut se lever, et sourire devant tous. Le mal l’a quitté. Il fera dire des messes, il donnera des cadeaux, il remerciera Dieu de lui avoir envoyé un ange pour le ramener à la vie. Mais ce qu’il veut par-dessus tout, c’est faire savoir qu’il est debout, qu’il est en parfaite santé, qu’il n’entend pas quitter aujourd’hui le monde des affaires. Ses ennemis, ses concurrents qui espéraient le voir disparaître, n’ont plus qu’à se consoler en venant boire, rire et danser à la grande fête que don Ruis donnera chez lui, le soir même.
Gabriela y sera l’invitée d’honneur.
Et les mauvaises langues pourront toujours jaser. Oui, cette femme vient du Nouveau Monde, mais cette femme fut éduquée dès son plus jeune âge par des moines et des prêtres, elle eut pour époux un grand seigneur et bon chrétien, qui lui laissa sa fortuneen héritage. Son sang est peut-être celui d’une sauvage, mais son âme est désormais dans la lumière.
La fête commence.
Des fusées d’artifice s’élèvent dans le ciel de Cadix.
Les invités, les habitants, tous sont émerveillés. Don Esquobal est le grand bienfaiteur de la ville.
Diego n’attendra pas plus longtemps. Cette flamme qui le brûle va peut-être s’enfuir de sa poitrine, libérée par une pointe d’épée. Avant ce duel qui l’attend, il prend les devants, il aura toutes les audaces.
Il effleure la main de Gabriela, et il ouvre son cœur.
— De grâce, écoutez-moi… Je rêvais de départs, de fuir ma patrie, ces semblables qui me sont pour la plupart étrangers… Je voulais découvrir l’inconnu, approcher les merveilles de ce monde, les saisir à pleines mains, revenir triomphant. Ce matin encore, quand je fis votre connaissance, j’allais questionner les navigateurs sur le pont de leur navire. Je voulais savoir quand partirait le prochain vaisseau pour le paradis des chercheurs d’or. J’étais prêt à prendre la dernière place, celle d’un commis de cuisine, à me cacher dans la soute. Car je ne demande qu’à abandonner ma condition, à laisser à terre mes privilèges, mon nom, la réputation qui éclaire mon père. Et puis vous êtes arrivée. Je sais maintenant que tout ce que à quoi j’aspire est là, devant moi. Oui, je vous aime, et si je dois partir, maintenant, si je dois tout quitter, ce ne sera pas pour chercher le bonheur, puisque je l’ai trouvé, puisque je ne veux plus m’en séparer, mais pour commencer une nouvelle vie avec celle qui comble par avance toutes mes espérances.
Gabriela répond en donnant ses lèvres.
Elle veut empêcher Diego de partir.
Elle ne veut pas qu’il aille risquer sa vie. Elle veut le garder.
Diego voit le ciel prendre feu. Ainsi, il est aimé… Il n’osait y croire.
— N’ayez crainte, dit-il, je suis armé contre tous les périls, ma main ne tremblera pas. Je tue cet homme et je vous enlève. Cette nuit, je vous épouse devant Dieu, et demain déjà, nous serons loin.
Gabriela doit se
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