Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
parole ?
Edmond jure de garder le silence.
— Comprenez donc, dit don Juan au gentilhomme, que je ne laisserai pas mon fils se jeter dans l’antre du lion. Maintenant, je vous prie de respecter ma volonté. Cette affaire terminée, je disparaîtrai, vous n’entendrez plus parler de moi, Hercule ne me verra plus. Mais pour aujourd’hui, je vous demande de me faire confiance, de lui faire confiance. Quoi qu’on en pense, Hercule est en avance, il est en âge pour faire ses choix. Laissez-le aller au bout de cette histoire, il en sortira peut-être éprouvé, mais les épreuves sont la vie. Il devient un homme. Par le cœur et par les actes.
Edmond ne sait que dire.
Il est manifestement ému.
Cet aventurier sans foi ni loi, ce don Juan lui apparaît soudain sous un nouveau jour. Il se sent pris de sympathie, comme malgré lui, cela se lit dans ses yeux. Il se lève, et va tendre sa main à Amadéor, avec chaleur.
— Pardonnez-moi, dit-il. Je vous ai mal considéré. Et je vous ai offensé.
— Oublions, répond Amadéor en acceptant la poignée de mains. Croyez-moi, Hercule ne pouvait trouver plus bel exemple de droiture et de noblesse. Vous valez mieux que moi, bien mieux.
— Allons, monsieur…, commence Edmond, soudain interrompu. On frappe à la porte. C’est Hercule. Il entre. Il rayonne.
— J’espère ne pas vous déranger, messieurs.
Puis, en se tournant vers Edmond :
— Si vous souhaitiez m’entendre en audition, je suis prêt.
Edmond sourit, un peu mal à l’aise – on le serait à moins. Il invite Hercule à prendre place dans la chambre et dit alors ces mots qui nous vont droit au cœur :
— Cher Hercule, je crois que nous serions tous trois enchantés de vous entendre. Vous avez là un public en raccourci. Attention, ce public sera intransigeant. Nous sommes, monsieur d’Artagnan, monsieur don Juan de Tolède et moi-même, croyez-le bien, vos plus fidèles soutiens, vos plus acharnés défenseurs. En somme, nous voulons vous voir nous donner le meilleur de vous-même. Il y a les liens du sang et ceux de l’esprit. Le cercle s’agrandira sans doute, et je vous le souhaite, mais sachez que ceux qui sont ici, dans cette pièce, auront été vos premiers frères d’armes, vos premiers frères d’âmes, rien moins que les piliers de votre nouvelle famille. Mais n’en disons pas plus, nous vous écoutons.
L’oiseau de mauvais augure est mis en cage
« Je n’ai jamais su, dit d’Artagnan à l’enfant roi, ce que Desdémone avait pu apprendre à notre aventurier don Juan de Tolède ce soir-là, pour empêcher Amadéor de passer à l’acte. Quand il se confia à moi, s’il ne voulut pas tout me dire, don Juan me révéla néanmoins une information de première importance, nous allons y venir.
En effet, Hercule semble prêt. Nous l’avons écouté, puis applaudi. Edmond voulut néanmoins pousser son protégé à travailler encore certains points de détails, relevés avec précision. Ne vous contentez pas , dit-il, d’être bon, soyez excellent. Travaillez encore, passez une bonne nuit de sommeil, demain est un grand jour, une nouvelle fois, Paris vous aura à l’œil. Et tous vous attendront au sanctus . Ils voudront voir si vous êtes véritablement porteur du feu sacré, ou si, hélas, ces lueurs qui éblouirent la salle de l’hôtel de Bourgogne furent celles d’une étoile filante… retombée depuis dans l’obscurité.
Edmond, cela nous le devinons, espère surtout que son page, piqué au vif, prendra bonne note de l’avertissement et qu’il choisira par lui-même de privilégier pour un soir au moins, pour une nuit, la préparation au succès plutôt que la fuite dans le plaisir.
Edmond et Hercule nous abandonnent, je reste seul avec l’aventurier don Juan de Tolède, qui se rapproche de moi, aussitôt après que la porte a été refermée.
— L’aventureuse et amoureuse existence de Desdémone a encore de beaux jours devant elle.
— Comment cela ?
— Cette histoire d’empoisonnement dont elle aurait été victime ne fut qu’une invention de son défunt conseiller, ce dernier lui en fit la confession sur son lit de mort. »
— En voilà une nouvelle ! s’exclame le roi.
— En effet, Votre Majesté, répond d’Artagnan, et je ne fus pas moins surpris que vous l’êtes. Cette information ouvre de nouvelles routes. Grâce à Dieu, la Cabale l’ignore. Don Juan de Tolède me certifie qu’il aurait été impossible, cette fois, qu’un espion
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