Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
eût pu surprendre leur conversation. Nous sommes seuls à savoir. Pour le reste, comme je vous le disais, Majesté, il refuse de m’en dire davantage.
« Il faut encore convenir de la marche à suivre, pour les prochaines étapes de notre enquête. Je vais devoir quitter Le Soleil d’or et prendre une chambre dans une autre auberge, sous un faux nom. Après cela, interdiction de sortir jusqu’à nouvel ordre. La fête achevée, les renseignements pris , me dit l’aventurier , je reviendrai vous faire mon rapport et nous aviserons pour le déroulement des opérations . Fortunio va donc me remplacer et bientôt prendrel’apparence de monsieur Gilles Tancelin, bourgeois bonhomme et frondeur par intérêt quand Amadéor, conformément aux instructions du cardinal, se verra devenir un vieux dévot, à moitié sourd et probablement bossu, le digne abbé Bernardin du Querroy, confesseur en titre du précédent.
Et c’est parfaitement incognito que l’agent de l’Éminence aidé et suivi de son acolyte pourront faire bonne figure dans l’assemblée costumée et prêter leur oreille – moins bouchée qu’on l’eût cru – aux confidences, aux messes basses, à toutes paroles suspectes.
— Il faudra informer Edmond de Villefranche, dis-je.
— Nous n’en ferons rien, dit don Juan, avec autorité. Mieux vaut qu’ils ignorent, lui et Hercule, que je me tiendrai dans les parages, aux côtés de Fortunio. Ils se sentiront plus libres de leurs mouvements et de leurs paroles.
Cela établi, nous devons encore écrire quelques mots à Son Éminence. Une lettre qu’Amadéor se chargera de lui transmettre, en empruntant ces réseaux préétablis permettant aux agents de monsieur de Mazarin de correspondre avec lui, à toute heure et en tous lieux. Je suis en effet, aux yeux du monde, un homme mort. Mon cadavre sera repêché prochainement… Rassurée après interrogatoire sur ma personne, la Cabale qui croit conserver le secret de ses plans, poursuivra comme convenu la mise en œuvre de son attentat, en prenant prochainement rapport avec monsieur de Lanteaume. Entrevue imminente.
Je prends soin de rédiger moi-même la précieuse lettre d’information, racontant les faits dans leur ensemble. J’y confirme la complicité de monsieur Hubert de Gaillusac auprès de la Cabale, démasqué par l’intermédiaire de monsieur Fargis qui fut chargé de me soumettre à la question.
Ayant achevé ce papier, aussitôt plié en quatre et remis aux mains de mon alter ego Amadéor, je passe un œil à la fenêtre, en soupirant, quand soudain je vois apparaître une jeune silhouette que je reconnais aussitôt : Bastoche est en approche, il va chercher à me contacter.
Je prie donc Amadéor de bien vouloir descendre – ne pouvant mettre un pied dehors –, de préparer mon informateur, de le teniraux faits, puis de le conduire, le plus discrètement possible, jusqu’à ma chambre.
Quelques instants plus tard, le don Juan revient en compagnie du jeune homme, qui constate de visu l’ampleur des dégâts.
— En effet, dit-il, on vous a bien arrangé.
J’achève les présentations. Bastoche doit désormais savoir que don Juan de Tolède est mon allié. Cela ne semble pas surprendre le gamin outre mesure. Bastoche est habitué depuis beau temps aux événements remarquables, aux associations insolites, aux conversions soudaines, la rue lui fait voir de tout.
Bastoche souhaite savoir s’il peut se rendre utile. Ensuite, il vient m’apporter une information. Il m’interroge du regard, en désignant discrètement le don Juan.
— Parle à cœur ouvert, lui dis-je, monsieur don Juan de Tolède et moi-même buvons dans le même verre.
— Votre oiseau de mauvais augure, me dit-il, perchant à La Belle Jeanne en tant que pensionnaire unique, vient d’achever la ruine de maître Renard , propriétaire des lieux, sur qui semble s’acharner le mauvais sort. Je venais y faire un tour de ronde, faute d’activités lucratives qui m’eussent retenu ailleurs. J’espérais vous en apprendre davantage sur notre mystérieux indiscret… Mais quand j’arrivai par la droite, à main gauche, le guet venait de son côté. Et en force. Ce client, j’appris son nom, Fabien Delorme, fut mis aux arrêts, enferré devant témoins puis conduit à la Bastille. Oui, monsieur, voici sa nouvelle pension, une maison autrement fréquentée, malgré sa triste notoriété… Je voulus en savoir plus long et je pris à part
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