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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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qu’on y vive chrétiennement, et d’ordinaire comme des gens sans histoire, il est pourtant rare d’yentendre fuser des cris de joie… d’y voir défiler des gens de riante compagnie.
     
    Nous passons plusieurs chemins, des voies bordées de masures, d’auberges, de ponts, de moulins. Nous laissons un bourg derrière nous, nous traversons une route de campagne. Le feuillage des arbres s’agite au vent. La brise légère transporte des odeurs de sous-bois, le pollen des fleurs, les notes cristallines d’un cours d’eau. Hélas, ces douceurs sont passagères.
    Le sifflement des merles, le pépiement des rossignols, des pinsons et des rouges-gorges, sont bientôt recouverts par la complainte sinistre des corbeaux. Nous longeons un cimetière.
    Les croix dressées en ligne le long d’un terrain nu, caillouteux, ont remplacé les champs de marguerites, comme si la mort avait asséché le sol au lieu de le nourrir. Passé ce lieu de tout repos, nous poursuivons notre route sans plus de paroles. Notre regard n’est plus attiré par les beautés du paysage ou la présence de nos semblables. Les habitations se font de plus en plus rares, nous n’entendons plus le refrain repris en nombre par le chœur des lavandières, les exclamations sonores des paysans à l’ouvrage, la nature elle-même semble se taire.
    Nous approchons. La lumière radieuse de cette belle journée éclaire un terrain plat au bout duquel apparaît une bâtisse isolée. Nul besoin de la protéger par des murs et des barrières, des chiens ou des mousquets. Sa notoriété publique suffit à tenir les visiteurs à distance.
    C’est une demeure de taille modeste, à deux niveaux. La porte et la toiture, rouge sang, luisent au soleil.
    Don Juan de Tolède s’arrête à quelques pas de l’entrée.
    Le voir ainsi, dans sa tenue écarlate, au seuil de cette demeure près de laquelle il ne jure point, me donne le frisson.
    Amadéor me sourit – étrange sourire – et s’adresse à Edmond de Villefranche, en ces termes :
    — Bienvenue chez le diable.
    Le gentilhomme ne comprend pas encore. Il reste muet. Attendez-ici , nous dit l’aventurier en mettant pied à terre.
    Il s’avance vers la porte. Il frappe. Trois coups.
    Elle s’ouvre, un homme apparaît.
    Je suis assez près pour le voir. Vêtu d’un tablier de cuir passé sur une grosse chemise de drap rouge, ce vénérable colosse impressionne, il prend toute la largeur de la porte. C’est une figure de patriarche à la face vermeille, cheveux courts et barbe blanche, encore pleine de feu, de force et d’autorité. Les cheveux gris et la barbe blanche sont coupés court, l’œil est profond et mélancolique.
    Le maître lictoris regarde Amadéor qui demeure silencieux, puis il voit le chariot, les tonneaux.
    — Vous êtes en avance, dit-il. Je n’attends rien avant les quinze prochains jours. Et puis, je ne vous connais pas, d’habitude…
    Don Juan ne le laisse pas terminer sa phrase.
    — Tu ne me reconnais pas ? demande-t-il à son interlocuteur.
    — Qui êtes-vous ?
    Don Juan ouvre son pourpoint, il se défait de son médaillon et le remet aux mains de l’homme, dont le visage s’illumine soudain. Et Amadéor répond enfin :
    — Je suis ton fils, Jean Hackard de La Hache. »

Troisième partie
    Dans la gueule du loup

Chapitre un

Rencontres
    L’ombre et la lumière
    Alors que l’aventurier don Juan de Tolède se fait reconnaître par le maître exécuteur de la haute justice de Paris, Germain Hackard de La Hache, en cette demeure où la famille du bourreau vit encore en retrait de tout voisinage, aux bornes du sacré et du profane, de la loi et du meurtre, enfermée au centre d’un large cercle de silence et d’opprobre (l’illustre maison du Pilori, au cœur de la cité, accueillera plus tard le Tourmenteur de la Ville), deux cavaliers quittent les faubourgs. Nous devons les rattraper.
    Si nous suivons docilement le chevalier d’Artagnan dans ses enquêtes, lui laissant de bonne grâce la bride en main, notre vue, semblable à celle d’un aigle volant, embrasse de vastes horizons. Ces cavaliers, taches mobiles dans notre paysage, nous venons de les reconnaître.
    En tête, la jeune, belle et farouche Margaux, dite l’Alouette, s’enivre de vent. Elle va au grand galop, la face tournée vers les nuages. Elle laisse à sa jument le soin de reconnaître le trajet. Ses yeux, fixant le soleil, veulent se remplir de lumière. Derrière elle, Lamortdieu, dit

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