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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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femme
    … Avant de passer aux côtés de Lanteaume, il courait dans la lande, allant de bande en bande, chassant ici, pourchassé là. Il avait pris goût au sang, au viol et au carnage, mais jamais au grand jamais, il n’était parvenu à reprendre la tête.
    Cette main qu’on lui avait tranchée vive, c’était celle du commandement. Dès lors, à dater de ce jour, il avait perdu l’œil ardent et flammeux du pasteur, le pas assuré de l’éclaireur, le timbre du chef, encourageant dans l’adversité, tonnant au combat, éclatant dans la victoire… Oublié ce feu sacré, cette intrépidité contagieuse, cette vaillance exemplaire qui fédère les caractères et rassemble les clans. Privé de sa droite, de son bras le plus fort, commefrappé de malédiction, il ne pouvait plus être l’instrument de ce Verbe qui vaut parole d’Évangile ; ce verbe instinctif, jaillissant du ventre, pour traverser les rangs, juger vite et bien ; ce Verbe capable de fendre le roc et de ranimer les vaincus ; ce Verbe qui est le bâton, l’étendard, la torche et la lance ! Ce Verbe qui porte à chaque note le mot juste dans la voix du berger.
     
    Oui, n’ayant plus que la rage et l’envie, il avait erré. Et puis Lanteaume l’avait anobli, en lui confiant la garde de cette enfant. Main-gauche n’avait pas senti revivre la chair morte au bout de son moignon, mais il avait retrouvé l’estime de lui-même. Il faisait peur aux catins, il terrifiait les garces, mais cette fille venait dormir dans ses bras. On avait besoin de lui, il apportait la chaleur et la protection.
    C’est lui qui, avec Lanteaume, lui apprit à se défendre, à se battre. C’est lui qui lui avait enseigné l’art d’atteindre une cible fixe ou mouvante jusqu’à plus de cent pas, de la pointe d’un couteau. Ce couteau qui était son arme favorite. Quand l’élève rejoignit le maître, en ayant bientôt l’ambition de le dépasser, Lamortdieu, fier de sa disciple, lui avait offert une dague de prix, sa première arme. Voilà pourquoi l’on m’appelle Main-gauche , avait-il dit à l’Alouette, en lui tendant l’objet, ce n’est pas parce qu’il me manque les cinq doigts du côté droit, mais parce que je sais manier ce poignard comme aucun autre. En te la donnant, c’est une partie de moi que je t’abandonne.
    C’est après avoir tué, bien jeune, son premier homme que Lamortdieu, avec une paye comme il n’en avait jamais touchée, put s’offrir cette lame d’orfèvre. Il en était si fier qu’au début il ne cessait de la sortir du fourreau pour le simple plaisir de la contempler. Par la suite, il en fit un vaillant usage.
    Oui, il forma cette jeune femme aux exercices du combat, à l’art de la guerre.
    Mais maintenant, après s’être tant dévoué, ignorant qu’il avait plus reçu qu’il n’avait donné, il veut être payé de retour. Il ne tient plus à être le frère, le gardien, il veut que des lèvres charnelles ouvrent sa main fermée, qu’on baise avec tendresse ses doigts de meurtrier, qu’on panse ses plaies, non plus par des rires mais par des baisers de femme.
    — Alors cet homme, demande Main-gauche en dissimulant ses sentiments, en cachant son désarroi, tu vas le retrouver, lui parler… te donner à lui ?
    — Tout beau, messire ! dit Margaux en riant. Je n’ai pas d’idée préconçue sur la chose, on verra le moment venu. Mais grâce à lui, il n’est pas impossible que tu entendes parler de moi.
    — Comment cela ?
    — Je ne sais pas trop encore. Il va m’en dire plus. Mais je crois qu’une belle affaire se prépare. Et j’en serai. Crois-moi, j’en serai. Depuis le temps que j’attends ça !
    — Tu veux me faire croire que ton gentilhomme irait tremper dans un coup tordu, risquer sa petite tête pour les beaux yeux d’une jolie frondeuse ?
    — On en reparlera quand je reviendrai, riche et célèbre.
    — C’est la bohémienne. Elle t’a vendu son boniment. Remarque, quand elle a le teint si rougeoyant, l’épiderme si doré, comment ne pas croquer dans la pomme ?
    — Tu seras couverte d’or, tu épouseras un homme aussi beau que tu es belle, aussi noble que tu es brave. Tu voyageras, tu traverseras la mer, tu seras mère, tu seras heureuse.
    — Et alors qu’elle ne demandait qu’à poursuivre, à dévider son chapelet, tu as mis fin à la lecture… en levant ta main et en versant dans la sienne, comme une duchesse, tout l’or que tu avais sur toi.
    — Ce n’était qu’une

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