Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
peuvent être réalisés…
— Eh ! J’aimerais sentir plus de gaieté dans tes paroles. Cette devineresse aurait-elle gâté ton humeur avant que je ne te rejoigne ? Quelques fatales prédictions ont-elles jeté leur ombre sur ton chemin de vie ou ta ligne de cœur ?
— Détrompe-toi.
Comment l’avouer ? Main-gauche préfère mentir. Pourtant, en attendant Margaux, il ne put résister à la tentation de se faire dire la bonne aventure par cette jeune Valériane, une bohémienne aux cheveux rouges. Il aurait mieux fait de ne pas la questionner. Car la chance n’est pas avec lui. Pas en amour, en tout cas. Les cartes l’ont dit. Ces cartes du diable, avec cette figure de pendu, signifiant la mort.
— Ne m’en veux pas d’être heureuse, Main-gauche, dit Margaux en remontant en selle, mais depuis quelques jours touts’ouvre devant moi. D’abord, il y a cette femme… Une Italienne, venue à ma rencontre. Elle a connu ma mère. Hélas, ma mère est morte. Sais-tu que j’ai là, contre mon sein, ses dernières paroles, ses dernières volontés ? J’ai prêté serment de ne pas ouvrir cette lettre avant la date de mon prochain anniversaire et j’obéirai. D’ailleurs, à tout dire, je crains de lire ce qu’elle contient et j’aime autant retarder la découverte. Pourtant, moi, la fille de rien, je vais savoir qui je suis, d’où je viens !
Main-gauche, lui, n’est pas dupe.
Une Italienne venue à ma rencontre… ma mère est morte
C’est pourtant visible comme un feu sur la plaine , se dit-il. Cette messagère n’est pas tout à fait ce qu’elle prétend. La mère de Margaux, cette mère ayant abandonné son enfant à la naissance, c’est elle. Elle n’ose pas l’avouer, elle a honte. Diable, je la comprends, elle peut en avoir, des remords ! On part, la mort dans l’âme, et un beau jour, on revient la bouche en cœur en espérant qu’il suffira de battre sa coulpe.
Mes parents m’ont quitté quand j’avais deux ans. Mais si j’étais à la place de Margaux, si j’apprenais que ma petite mère cherchait à me retrouver, je la laisserais se prosterner, mais avant qu’elle s’abandonne, la voix coupée par les sanglots, je lui imposerais le silence en lui mettant ma main au cou, en serrant jusqu’à ce qu’elle rende son dernier soupir.
Pourtant Main-gauche tente de refouler sa haine, cette haine profonde et viscérale, toujours prête à s’embraser, à lâcher ses chiens, à jeter ses tisons, à réduire les villes et les villages à un tas de cendres fumantes.
Margaux, il l’aime. Et pour se faire éprendre d’elle, pour faire mentir les cartes, leurs jugements implacables, il pourrait lui faire comprendre, lui ouvrir les yeux, avec délicatesse. Oui, il pourrait être le trait d’union, l’homme de paix, le cœur tendre. Cela l’aiderait peut-être à hausser son diapason, à passer du confident à l’amant.
Un court instant, Lamortdieu voit le ciel s’ouvrir. Tout n’est peut-être pas perdu. Si seulement Margaux répondait à ses attentes, tout changerait.
— Enfin, reprend Margaux, il y a cet homme !
— Cet homme ? Quel homme ?
— Un gentilhomme, dit Margaux d’une voix affectueuse.
Main-gauche croit sentir une main gantée de fer lui oppresser la poitrine.
— Ne va pas me dire qu’un petit prince au col en dentelle est venu te faire les yeux doux ?
— Il est différent des autres.
— Laisse-moi rire !
— Eh bien, ris si tu veux. Je l’ai traité de haut, je l’ai tenu à distance, mais il tient bon. Et ça me plaît ! Et puis, il m’écrit, et diable, il écrit bien. Surtout cette dernière lettre, et puis ce poème… comme s’il avait lu dans mon âme.
Une fois encore, Main-gauche est brisé, on l’écartèle, on le fait crier, on le tue sans le laisser mourir. Une fois encore, il n’en faut rien laisser paraître. Mieux vaut en rire.
— Ma parole, tu t’es fait ensorceler !
— Oui, on m’a jeté un sort et je n’ai jamais été aussi heureuse. Est-ce un mal ?
— Si je comprends bien, tu vas le revoir ?
— Pas plus tard que cet après-midi, après le rendez-vous, au bois du roi Jean, devant la tombe de l’inconnu. Mais c’est notre secret, Lamortdieu. Je n’ai pas d’ami comme toi, tu m’as toujours protégée comme un frère. Tu es mon bouclier, ma cuirasse.
Ton bouclier, ta cuirasse ! Un éternel second, oui, valet des uns, confident des autres, subalterne en tout !
Main-gauche se souvient …
Des baisers de
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