Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
réussite, nous ignorons vos petits secrets, ce qu’il mijote… même si nous avons des soupçons. Voilà pourquoi, lors de cette deuxième scène, il abandonna la parole franche et loyale, à haute voix, pour la messe basse, au creux de l’oreille.
Le troisième larron achève l’explication :
— Du reste, ne nous lancez pas la pierre, La Veyre, nous rejetons toute responsabilité quant à cet échec que vous venez d’essuyer, hélas, si près du but. Je suppose, mademoiselle, dit l’homme en désignant Main-gauche, que ce drôle est à vous. Il m’a tout l’air d’être un brigand de votre espèce. Il vous espionnait. Oui, ma belle, m’est avis qu’il a du sentiment, qu’il vous suit, qu’il guette vos mouvements, qu’il veut égoïstement vous garder… Quand nous l’avons surpris, il avait une dague à la main. Et je gagerais, cher La Veyre, qu’il s’apprêtait à vous la loger entre les côtes.
— Quittez cet air courroucé, Philippe, dit l’un des trois, et remerciez-moi. En l’assommant alors qu’il armait son bras, je vous ai certainement sauvé la vie.
Le précédent reprend la parole, à l’attention de la frondeuse :
— Voilà, vous avez toute l’explication. Qu’allez-vous faire maintenant ? Nous tirer comme des lapins ?
La frondeuse n’a pas encore pris son parti, elle est manifestement désemparée. Mais derrière elle, ce monsieur Philippe de La Veyre, lui, garde les idées claires. Il a sorti un pistolet de ses fontes. Le chien est armé, le canon est braqué. Il va faire feu… Pendant ce temps, Amadéor est venu me rejoindre, le pistolet à la main.
— D’Artagnan, me dit-il, ne bougez pas. J’ai mon idée, laissez-moi faire.
Il se hisse légèrement, vise le cavalier et tire le premier.
On y passe et on y trépasse…
Impossible position ! Rester inactif quand la poudre se met à parler ! Quand les fers vont se croiser, à quelques pas seulement ! Quand tout vous commande de vous jeter en avant ! Mais je dois faire confiance, je dois obéir. J’ai pourtant tiré l’épée. Je ne demande qu’à m’en servir.
Je reste en position, faute d’agir, que je puisse voir au moins et me préparer à prendre la relève.
Hélas, la balle est passée à côté, le cavalier ayant pivoté au dernier instant. À son tour, il fait feu, en direction de mon compagnon. Mais celui-ci a eu le temps de se baisser. Un éclat de pierrevole au-dessus de nos têtes. Don Juan met flamberge au vent, il se rue dans la mêlée.
La frondeuse est en fâcheuse position. Sur les trois compagnons de Philippe de La Veyre, deux se sont jetés sur elle, le dernier est parti affronter le nouvel arrivant, comme tombé du ciel.
Une nouvelle détonation rugit dans l’air.
L’Alouette a tiré, une balle est partie, atteignant l’un de ses adversaires de plein fouet. L’homme se couche dans son sang. Mais elle ne peut doubler sa victoire. Elle est frappée au flanc par la lame d’une dague, celle de son autre adversaire. La frondeuse tombe à terre, et se heurte le crâne sur une pierre. L’homme qui l’a touchée veut la relever et lui porter le coup de grâce. L’Alouette semble inconsciente. Au moment où je m’apprête à bondir, l’homme relâche son gibier ; cette femme qui ne se débat plus n’excite plus son ardeur de combattant, il la laisse retomber et s’apprête à tirer ses guêtres. Par chance, il vient dans ma direction, je vais pouvoir le recevoir.
Il bondit au-dessus de moi.
— Où allez-vous, monsieur ? dis-je, en l’invitant à me rejoindre.
— Ma parole ! me répond l’homme, manifestement stupéfait – on peut le comprendre –, j’ignorais que ce bois tranquille fût un tel lieu de passage !
J’engage le fer, la partie est de courte durée.
À la première botte, je frappe et je touche, sur ces mots :
— On y passe et on y trépasse ! Serviteur, monsieur.
Quand j’ai rejoint ma place, le calme est revenu.
Le cavalier s’est enfui, don Juan a vaincu son adversaire, gisant mort à trois pas du tombeau, ni la frondeuse ni le dénommé Main-gauche, couchés inanimés l’un près de l’autre, ne se sont relevés, je peux enfin montrer ma tête.
Les espions du cardinal se mettent d’accord avant de se serrer la main et de se souhaiter bonne chance
Quand je sors de ma retraite, don Juan de Tolède est penché sur le corps de la frondeuse. Il panse sa plaie, à l’aide d’un morceau de tissu qu’il a prélevé sur sa chemise. Je n’ose
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