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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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rôtir des animaux à la broche. Hélas, je crains que ces messieurs de la Force ne viennent vous retirer le pain de la bouche et la coupe des lèvres.
    Philippe entraîne sa monture, descend la petite route, longe les dernières habitations qui bordent le passage, avant de tomber sur cette plaine étendue rase, aux limites des frontières. Il s’approche des feux de joie. C’est en effet une belle faune que cette ronde saltimbantesque !
    Ce carnaval de montreurs d’ours, d’acrobates, de jongleurs, c’est un village entier doublé d’une ménagerie ambulante ; les bêtes font rempart aux hommes : des chiens pareils à des loups, des boucs de sabbat, des bœufs à longues cornes, des mules sellées gardent le cercle. Et quelle humanité derrière eux ! Des lanceurs de torches, des voltigeurs, des mangeurs de sabres, des cartomanciennes, des hommes au teint noir, coiffés de foulards et de chapeaux à grelots, portant des singes sur l’épaule ! Des mères impudiques donnant le lait à leurs nourrissons chevelus comme des diables ! Des jeunes femmes parées d’anneaux et de bracelets d’argent, des enfants sauvages aux pieds nus courant en tous sens… Et ces chariots ! De véritables enseignes ! Visibles au cœur des ténèbres comme en plein jour ! Bleus et rouges, rouges et jaunes, verts et noirs.
    Philippe garde encore ses distances, il attend le signal.
    Fortunio trône au milieu des musiciens, il est le roi de la fête.
    Valériane se tient un peu à l’écart, c’est une chance.
    Soudain, c’est l’affolement.
    Prévenus du danger, les troupes de la prévôté s’avancent, pointe en avant.
    Les chiens sont terrassés comme des bêtes malfaisantes. Les boucs s’affolent et font chanter leurs clochettes. La ronde cesse de tourner, les danseurs reviennent à eux. Ils sont pris dans les fers. Les plus sanguins hésitent à sortir leurs couteaux aux lames courbes. On les menace, on les oblige à se rassembler. Certains obéissent, d’autres se révoltent. Une escarmouche va débuter.
    C’est le moment.
    Philippe de La Veyre éperonne sa jument et part, tête baissée.
    Deux archers s’approchent de Valériane pour la contraindre. Celle-ci cherche à s’enfuir. Ils se lancent à sa poursuite. Le cavalier vient à leur rencontre. Il surgit si brusquement que les archers ne voient rien venir. L’un a reçu un coup d’épée en plein visage, lui barrant la face, l’autre est aussitôt frappé à l’épaule, d’une pointe tombée de haut.
    Philippe tend la main à la bohémienne. Valériane n’a pas le choix. Elle monte en croupe. Philippe de La Veyre n’a plus qu’à piquer des deux et à déguerpir le plus loin et le plus vite possible.
    L’esprit de tolérance sauve le condamné
    Le cœur de monsieur de Mazarin bat à tout rompre, et pourtant, Son Éminence se sent paradoxalement parfaitement calme. Ainsi le moment est arrivé, la rencontre a enfin lieu. Cette jeune femme, sa fille, est aussi belle qu’il l’imaginait. Peut-être plus encore. Elle a un air sauvage qui n’est pas pour lui déplaire, ni sans lui rappeler celui de son ancienne maîtresse, au temps de leurs premiers amours.
    Sa bouche est ronde, en cerise, ses yeux sont remplis de clarté. Ils ont cependant quelque chose d’un peu triste ; ce regard, c’est un ciel doré en son centre et couvert par endroits.
    Sa petite robe de satin bleu lui va à ravir.
    Elle est finement maquillée, pas trop, grâce à Dieu…
    Une cape de velours couvre ses épaules et vient mourir sur ses jambes.
    Ils ont tant à se dire. Cependant, Mazarin le sait, ils ne pourront souvent se voir. Il serait même plus sage de l’expatrier, une fois que je lui aurai trouvé un preux servant pour veiller sur elle, un époux aimant et protecteur. Cet instant est donc un instant privilégié.
    Le cardinal commande le départ de la voiture.
    Il serre contre lui cette lettre que sa fille lui a remise.
    Cette lettre qui fait suite à cet autre courrier reçu dans la matinée et signé là encore de la main de Desdémone. Étrangement, l’empoisonneuse ne voulut rien révéler dans la première missive. Sans doute voulait-elle laisser à sa fille le soin de s’annoncer elle-même. La surprise n’en fut que plus grande.
    — Chère enfant, dit Mazarin à la jeune femme qui se tient face à lui, immobile, un peu raide, dans la cabine de la luxueuse voiture aux armes de Son Éminence, je vais être bientôt tout à vous, et nous allons pouvoir nous promener

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