Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
sa robe, que ses lèvres, que ce bandeau de satin qu’elle porte à la tête. Ses yeux sont si clairs, son teint de rose que l’on peut admirer à son visage, sur ses bras dégagés, semble peint dans le pigment frais. Son écharpe verte posée sur ses épaules est sans doute celle d’une bohémienne, mais la jeune femme la porte si bien, avec tant de grâce, d’élégance et de légèreté, qu’elle semble faite de la plus fine et de la plus soyeuse étoffe.
Le gentilhomme est frappé par l’évidence. La Fortune vient de lui envoyer l’objet de ses prières au moment où il ne demandait qu’à y renoncer.
Tout recommence
Deux problèmes , se dit le gentilhomme. L’un moins conséquent que l’autre. Ce n’est pas tout de pressentir. Il faut encore n’avoir plus aucun doute.
D’abord, cette couleur de cheveux. Une rousse ne fera pas l’affaire. Mais une chevelure, ça se teint. Ensuite… ensuite, reste à trouver une bonne raison de la faire agir. Un levier pour armer ce bras.
Valériane ne cache pas sa joie. Elle salue le gentilhomme. Fortunio fait les présentations, avant d’interroger son cher amour :
— Eh bien, d’où vient ce sourire ? En suis-je l’auteur ?
— À moitié seulement, répond la jeune femme. Je viens de retrouver les miens ! Ma famille ! Ma famille d’adoption du moins.J’ai grandi avec eux, nos routes s’étaient séparées, elles se rejoignent ! Ici, à Paris, centre du monde ! Allons, lève-toi, Fortunio et suis-moi, emporte ton luth, tu joueras avec eux, en prenant le centre au milieu des tambourins et des cracheurs de feu ! Prends ma main, fils de Bohème, rentre dans la ronde, je t’emmène sous le soleil d’Égypte !
— Nous accompagnez-vous, monsieur ? demande Fortunio en invitant le gentilhomme à les suivre.
— Mais bien volontiers, répond Philippe de La Veyre.
Valériane va devant, elle accélère le pas. Elle est si heureuse !
Mais soudain, elle s’arrête, elle se fige.
Elle regarde à droite, à gauche, puis derrière elle. C’est encore de ce côté-là, près de ce cavalier qui marche avec eux, qu’elle aura le plus de chance d’être à l’abri. Elle court se mettre aux côtés du gentilhomme à pied, tirant son destrier.
— Monsieur, dit-elle, ne me posez pas de question. Vous avez bel air, couvrez-moi.
Et Valériane se place sous la protection du gentilhomme, dans son ombre. Celui-ci ne tarde pas à comprendre : le guet, en impressionnant cortège, remonte l’avenue et passe devant eux. Mon intuition ne m’a pas trompé, se dit Philippe de La Veyre, en souriant intérieurement. Cette jeune femme est recherchée, elle s’affiche publiquement, mais elle se cache quand nos messieurs de la prévôté s’approchent, la lanterne à la main et l’épée au fourreau.
— Eh bien, dit le gentilhomme, une fois que le guet les a dépassés, en s’adressant à sa voisine sans lever la voix. Seriez-vous en danger ?
— Je suis bohémienne, monsieur, et il y a des lois pour chasser les gens de ma condition.
Quelques pas plus loin, Philippe de La Veyre ralentit l’allure et se sépare du groupe.
— Partez devant, dit-il avec un sourire. L’amour a des ailes, et moi et mon cheval, nous traînons les pieds. Je vais boire un verre, reprendre des forces, et je vous retrouverai avec joie, dans quelques instants.
Ainsi soit-il.
Les amoureux filent en courant.
Le gentilhomme attend qu’ils aient disparu, puis il remonte en selle et commande le départ, en enfonçant ses éperons dans les flancs de la bête.
Manœuvre
Quelques instants plus tard, Philippe de La Veyre a rejoint ces messieurs de la Force. Il s’adresse directement au chevalier du guet.
— Monsieur, je dois vous avertir.
— Je vous écoute.
— Je me présente, Antoine du Viguan.
— Du Viguan… Seriez-vous un parent de Robert du Viguan, autrefois grand prévôt ?
— Robert était mon père.
— Homme de grande probité. Homme admirable.
— Merci, monsieur, puisse la réputation dont jouissait feu mon père donner du poids à mes propos. Car j’ai à porter une accusation qui pourrait prêter à caution, ou à rire, si elle n’était des plus sérieuses. Un campement de bohémiens vient de s’établir à quelques pas d’ici, aux portes de la Ville.
— Ah… et nous allions leur tourner le dos.
— Eh bien, monsieur, toutes superstitions et tous préjugés mis à part, ce campement n’a rien d’innocent, je vous l’affirme. Je viens au nom
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