Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
si forte partie.
Il a tant attendu cet instant, il savoure sa supériorité. Il joue avec cette victime livrée à sa merci. Il la tient par le cœur, par la chair, tout entière.
Pour commencer, il se présente, fait preuve d’une courtoisie peu coutumière.
— Chère madame, permettez-moi de décliner mes références. Je suis Lamortdieu, dit Main-gauche, osons le dire, l’un des meilleurs hommes de Lanteaume, le ravisseur. Ce Lanteaume que vous visitâtes, il y a peu, avant de le quitter fort désappointée, abattue. Dites-moi si je me trompe, Lanteaume vous gêne.
Il tend sa main, finement gantée, avec délicatesse plus qu’avec autorité, il vient en ami .
— Ne me questionnez pas sur mes sources, je sais ce que je sais, cela doit suffire. Bien, vous avez donc une fille, madame,une fille que vous abandonnâtes lâchement, fatalement, tristement, je ne sais, nous avons tous de bonnes raisons de faire le mal, c’est d’ailleurs pour cela que nous le faisons, de si bon cœur, nous avons tous, dis-je, de bonnes raisons de faire souffrir ceux que nous aimons… Vous avez une fille et cette fille par un coup du hasard est aujourd’hui entre les mains de celui qui s’estime être de bon droit son père légitime. Vous avez le sang, il a l’amour. Le sort semble aujourd’hui être contre vous, il se refuse à parrainer votre retour, à cautionner votre repentir, à soutenir votre juste démarche. Mais voici que la Chance, indépendante par nature, décide de vous sourire, je suis son représentant. Oui, la chance veut que moi, humble criminel, moi, sordide gagne-petit, éternel second près des hommes et des femmes, la chance veut que moi, Main-gauche, je ne croie plus en l’amour. Je suis donc de votre côté, du côté du sang. Madame, à nous deux, ce parti aura gain de cause et pour le reste que le Diable l’emporte. Soit. Lanteaume ne veut pas céder, seriez-vous prête à lui faire payer son outrecuidance ? Répondez franchement.
Desdémone soutient le regard de cet homme.
Oui, elle est prête. Un hochement de tête suffit. Elle s’est prononcée.
— Qu’avez-vous à dire qui puisse m’aider à retrouver cette enfant ?
— Cette enfant est aujourd’hui une bien belle femme, n’est-ce pas ? Je sais, entre autres choses, qu’une cabale souhaita employer vos talents pour réduire au silence le dérangeant cardinal de Mazarin. Vous ne démentez pas… Pour des raisons qui m’échappent, vous refusez, ou vous vous désistez. Ne pouvant agir par le subtil et discret truchement d’un élixir, d’une main étrangère, les conspirateurs font donc appel à la force armée d’un compatriote, notre ennemi commun, Lanteaume. Oui, madame, un guet-apens se tiendra bientôt, j’en connais le lieu, l’heure et la date. Je vous invite – dans votre intérêt, c’est entendu – à avertir vous-même la prochaine victime, Son Éminence, afin qu’elle échappe au massacre de sa personne. Le cardinal est un homme rusé, un habile stratège. Vous lui offrez l’occasion de châtier durement, en toute légitimité, ce dangereux redresseur de torts. Tout ce que le cardinal doit faire, c’est envoyer son carrosse au rendez-vous. Son carrosse, privé de sa présence. Un carrosse néanmoins tenu à l’œil par un détachement d’arquebusiers aux ordres du cardinal. Cet attentatmanqué justifierait pour le coup, aux yeux de l’opinion, et l’opinion dirige le monde, qu’on saisisse sans indulgence possible le groupe de mercenaires. Les uns iront finir leurs jours dans un cachot puant, les autres, ou tout au moins le chef, donnera sa tête, en place publique, vous rendant ainsi tout espoir.
— Mais ma fille…, demande Desdémone.
— Non, rassurez-vous, votre fille ne sera pas du coup monté, elle est à l’abri, placée sous la protection du Ciel.
— Comment la retrouverai-je ?
— Payez-moi d’abord pour cette information cruciale que je viens de vous donner, vous aurez alors tous les détails. Pour cette seconde étape, les retrouvailles, les embrassades, chaque chose en son temps. Cette Alouette aura besoin de consolation, de l’affection d’une mère pour étancher ses larmes, vous arriverez à point nommé. Une fois Lanteaume tué ou arrêté, je reviendrai vous voir. Vous me paierez une autre somme, la moitié de ce que vous verserez aujourd’hui, et je vous divulguerai la cache où se trouve protégé le fruit de vos entrailles.
— Bien. C’est donc cette cassette que vous
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