Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
l’obtenir. Une lutte s’engagea. Une lutte bien inégale entre les deux adversaires. Adélaïde reçut un coup de dague au ventre, elle gisait dans son sang tandis que Fargis s’était échappé avec le précieux document. Il est actuellement recherché, mais nous ignorons parfaitement où il a pu se terrer.
— Si je comprends bien, dit Amadéor, les affaires reprennent !
— Pas pour toi, cher ami, s’exclame le cardinal.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? demande don Juan.
— Je veux dire que pour toi, c’est ici que s’achève la mission. Je suis désolé de te l’apprendre. Mais rassure-toi, j’ai encore bien besoin de tes services pour une tout autre affaire. J’ai reçu ce matin des documents alarmants. Je voudrais que tu retournes, dès demain, en Italie, à Rome.
— C’est fâcheux, dit don Juan fort mécontent, d’abord j’aime terminer ce que j’ai commencé, ensuite j’avais grand plaisir à travailler aux côtés de d’Artagnan. Et puis, à tout dire, j’étais prêt à te donner mon congé à la fin de cette aventure, une fois tes ennemis à genoux. J’aspire à la sérénité, et cette petite Alouette m’appelle vers une vie nouvelle.
Le cardinal sourit, mais il réoriente vite la conversation, comme il tourne les yeux pour ne pas croiser trop longtemps le regard de sa botte secrète.
— Pour ce qui est de cette affaire désormais nommée La Cabale des Importants , j’ai toute confiance en d’Artagnan. Notre Amadieu, j’en suis convaincu, saura me rapporter le parchemin, moitié par moitié. Vos routes se séparent aujourd’hui, mais demain tout peut arriver, et vous formez, il est vrai, un parfait duo. Pour l’heure, je compte sur toi, prochaine destination, retour en arrière : l’Italie. Allons, tu ne peux m’abandonner ! Je ne t’ai pas choisi par hasard. Il faut approcher une femme, une duchesse de Mantoue de la plus belle étoffe. Toi seul pourrais la désarmer.
Puis, en saisissant deux bourses remplies d’or, le cardinal se rapproche de son agent Amadéor en disant :
— Je n’oublie pas de récompenser tes services. Tu auras besoin d’argent, en voici.
Le cardinal veut également me rétribuer, mais la bourse qu’il me cède n’est pas du même poids. Je reste, mon frère d’armes s’en va.
— Alors, demande-t-il à don Juan de Tolède en lui désignant la somme offerte, qu’en dis-tu, est-ce oui ?
Don Juan sourit. Des lèvres, car ses yeux sont ailleurs, loin, bien loin de ce cabinet.
Il prend néanmoins l’argent et dis :
— C’est bien parce que c’est toi, Giulio. Alors, quel est l’ordre de mission ? »
Chapitre deux
La compagnie de la dernière chance
Par souci de curiosité
— Mais alors, demande le roi profondément attristé, don Juan de Tolède vous quitte ?
— La vie est ainsi faite, Votre Majesté, ceux pour qui nous avons les sympathies les plus vives ne font parfois que croiser notre route. Il faut alors profiter pleinement du temps qui nous est offert. Le présent, comme son nom l’indique, est un cadeau. Ces moments forts de notre existence sont pour moi à l’image d’un festin. Ces festins de village, au temps de la moisson, où l’on va entre deux hivers, manger, boire, rire plus que de coutume, à l’excès, avant de retourner à son champ, à sa besogne, à sa solitude.
« Nous sortons Amadéor et moi-même du cabinet secret de Son Éminence, en silence.
Il est tard. La nuit est déjà bien avancée.
Des chevaux nous attendent, monsieur votre parrain, comme d’habitude, a tout prévu. Mais l’imprévu est là, lui aussi, immatériel, dans l’air, il offre ses services, il tend la main, il ouvre les perspectives, il ne demande qu’à contrarier les plans des hommes, à fausser leurs calculs, à brouiller les cartes, à tout remettre en jeu.
Don Juan de Tolède lève les yeux au ciel.
Une étoile filante vient de passer.
Il hésite.
Que voit-il là-haut, après le passage de cet astre, de ce météore ? De nouveaux continents, des terres inexplorées ? Une invitation au voyage ?
Il met la main à sa ceinture, décroche l’une des bourses qu’il détient et me la lance.
Je l’attrape.
— Ce n’est pas un don, chevalier. Passez commande à Molière, de ma part. Il faut encourager les talents.
— Comptez sur moi, dis-je. Vous n’irez pas en Italie, n’est-ce pas ?
— Vous avez deviné. Fortunio semble avoir trouvé l’amour, il est absent depuis des jours, je le laisse à son
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