Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
voulez ?
— Oui, pas plus, pas moins, du moins pour l’instant.
— Vous le haïssez donc tant, ce Lanteaume ?
Main-gauche ouvre la portière. Il sourit de ce sourire dérangeant, un sourire plein d’arrière-pensées et de rancune.
Le brigand soulève son manteau, se révèle. Il salue la dame avec son bras amputé avant de répondre et de disparaître :
— La Haine est un bien grand mot. Le feu de cette lave modèle des statues de bronze belles comme l’antique. Et moi, je vous l’ai dit, je le répète, moi, je ne suis qu’un acteur de second rôle.
Fin du premier acte
« Pardonnez-moi, Votre Majesté, dit d’Artagnan, de m’être substitué un instant à Son Éminence pour vous peindre cette entrevue entre le brigand Main-gauche et Desdémone. Il est temps de revenir nous enfermer au sommet de la Bastille, dans le cabinet secret du cardinal, et de reprendre notre place d’auditeur.
— Peste, Giulio, dit don Juan, cette femme est venue te raconter tout cela, en détail ? Étonnant !
— Comme toi, Amadéor, je sais faire parler le beau sexe. Du reste, comme tu n’es pas sans le savoir, quand l’émotion le submerge, nul besoin de l’interroger, il ne demande qu’à être écouté et compris, je n’ai fait que prêter une oreille attentive. Mais je termine…
“En comparant l’heure, la date et le lieu fournis par Desdémone et ceux figurant sur la lettre signée Adélaïde de Gaillusac, il ne fut pas difficile de comprendre la manœuvre. Sans cette information apportée de justesse, je pouvais dire adieu aux réalités de ce monde.
Fin du premier acte.
Maintenant, voici le deuxième…
Mort, il sert encore
Monsieur Hyppolite de Lanteaume est peut-être un brigand d’honneur, il n’en reste pas moins fort dangereux. Et ce, en premier lieu, par l’amour qu’il inspire à la foule. Plutôt que de le contrecarrer et de m’aliéner les forces du peuple, je prends le parti de suivre les consignes du traître Main-gauche, de le perdre, de le discréditer.
Rien de plus simple.
Puisqu’il nous fait l’honneur de bien vouloir se déplacer, de quitter ses bois avec son régiment d’arquebusiers, j’aurais mauvaise grâce à lui refuser la possibilité de tirer sa salve d’honneur, d’enfumer la porte Saint-Marcel, d’ameuter le voisinage par force pétarades.
Ces messieurs veulent cribler de plomb le panier d’un carrosse, le mien, qu’à cela ne tienne, je leur en fais volontiers présent. Mais certes, l’aventure n’est amusante que si la voiture contient un passager. Je décide donc d’y placer une doublure.
Quand un ennemi a une brillante idée, autant la lui prendre.
Un copiste est aussi un artiste, l’imitateur, un admirateur.
Aussi, je fais écrire mon propre faux.
Celui-ci, je ne peux vous le lire, mais il suffit de dire qu’il est destiné à monsieur Hubert de Gaillusac, et qu’il est trompeusement signé par madame Edwige de Bellerasse, encore elle. Cette dernière convia notre ambassadeur à bien vouloir la rejoindre dans un lieu discret et retiré. Un rendez-vous galant ? Il faut y aller pour le savoir. Quoi qu’il en soit, pour notre Mercure, le déplacements’impose. On a soit de jolies formes à lui montrer, soit d’importantes choses à lui dire.
Gaillusac obéit. Ponctuel et virgulé, il se présente à l’heure convenue.
Hélas, là-bas, au point de rencontre, point de femme, mais des hommes, dont notre cher Amadieu, autrement nommé d’Artagnan.
Voici l’occasion de récupérer la première moitié de cette liste des conjurés. Hélas, tout ne se déroule pas comme prévu. Alors que nous allons le saisir, monsieur de Gaillusac tire le fer, égorgeant l’un des hommes. Riposte d’un des gardes, tuant net notre ambassadeur d’une pointe au cœur. Évidemment, pas de document sur notre cadavre. Il faut poursuivre le reste de l’opération. Aucune fouille des appartements de Gaillusac ne pourra être faite avant d’avoir saisi Lanteaume et ses troupes.
Monsieur de Gaillusac ne pouvant être véhiculé vivant, endormi au laudanum, à la porte Saint-Marcel, nous ferons avec ce que nous avons sous la main : la marionnette des intriguants devenu un pantin désarticulé.
La suite va sans dire, mais disons-la tout de même… un bataillon à mes ordres investit les lieux environnants – ces lieux du crime – en fin de journée, en prenant garde de rester invisible. Cette position assurée, nos soldats patientent jusqu’à
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