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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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bonheur, sa place en ce bas monde est peut-être ici, à Paris. Quant à moi, je songe à gagner les Amériques, la patrie des aventuriers, la terre d’asile des persécutés, des déserteurs, des galériens et des filles perdues, un paradis sur terre, en somme. Cependant, chevalier, que diriez-vous de m’accompagner pour une dernière visite ?
    — Bien volontiers. Laquelle ?
    — Eh bien, voyez-vous, je suis curieux. Je veux savoir. Oui, je veux savoir pourquoi Desdémone m’a dénoncé comme agent du cardinal… pourquoi, et enfin, comment elle l’a su.
    — Je vous suis volontiers. Mais en toute franchise, n’y a-t-il pas autre chose qui vous pousse à vous rendre là-bas, à réveiller les occupants en pleine nuit ?
    — Les occupants n’y dorment pas. Ils ont mieux à faire. En prison, tout se sait, tout s’apprend, les murs parlent. Or, figurez-vous que l’hôtel de la belle Desdémone est en pleine effervescence. Une troupe entière, qui n’est pas celle de Molière, y séjourne. Il semblerait que notre ami François de Lyon ait mis les fers au feu. Les Conquistadors va être jouée, là-bas, chez madame. Quel meilleur théâtre ? Si je ne saurais être présent à la représentation – unique, paraît-il, et exceptionnelle, je n’en doute pas –, je peux peut-être assister à une répétition. Mais je vous préviens, je vais faire du bruit, je vais claquer des portes. Cette femme a failli me faire tuer. Hercule ou non, rien n’y fera. J’ai une ou deux questions à poser, des adieux à faire, et quelques comptes à régler. Êtes-vous toujours partant ?
    — Plus que jamais ! dis-je en éperonnant mon cheval.
    Vous êtes mon dernier espoir
    Nous courons donc au palais de Desdémone.
    Il est en effet allumé, mais il est aussi fort bien gardé. La porte est barrée par trois hommes, armés de pied en cap. L’aventurier don Juan de Tolède semble pressé. Il n’est pas question de s’attarder ni de s’embarrasser des formalités d’usage. Il entend s’annoncer lui-même. Aussi il passe, après avoir assommé les sentinelles, prises de court. Il décroche un flambeau suspendu devant le porche et il s’avance, la lumière en main, devant la porte. Il frappe comme un sourd jusqu’à ce qu’on vienne lui ouvrir. Un valet montre sa tête, il est aussitôt jeté dans la cour, il va rejoindre le tas. La voie est libre, je suis, derrière, fort digne, regardant droit devant moi, marchant dans les pas de ce brise-tout. Don Juan est entré, il poursuit sa route en écartant d’un revers de main les agents de Desdémone, protecteurs ou serviteurs, qui se placent en travers de sa route. Les armes apparaissant, il pointe la sienne. Il repousse de son tison, il écarte à grands gestes, sa lame siffle comme un fouet, au nez des vigiles. Il crie : — Desdémone ! Montre-toi !
    Je vais me porter au secours de l’aventurier qui va bientôt être encerclé quand l’Italienne descend les marches.
    — Laissez-nous ! demande-t-elle, impérieuse comme Cléopâtre.
    Ce qu’il reste de gardes, de surveillants, de valets résolus à mourir pour elle, à donner son sang pour ses beaux yeux, ce qu’il reste d’hommes encore debout, prêts à combattre, se range aussitôt. On attend la confirmation. On reste sur le quivive.
    Mais l’ordre de Desdémone est sans équivoque, elle insiste :
    — Sortez !
    Pourtant, on hésite encore, croyant sans doute que l’on s’adresse aux deux autres, aux intrus, aux vandales, aux casseurs de vitres. Pas eux, vous ! précise-t-elle avec colère. Puis après avoir vivement congédié sa vaillante garde, elle retrouve leur affection, en concluant d’une voix douce : Merci .
     
    Desdémone s’approche. Elle porte une robe rouge, des diamants à chaque doigt.
    Le sang de don Juan est encore bouillant. Il jette son flambeau vers le bassin d’une fontaine d’intérieur. Les flammes s’éteignentdans un jet de vapeur. L’aventurier s’apprête sans doute à pointer son épée sur la gorge de cette femme, à la bloquer contre un mur pour la dominer et la faire parler, mais sa colère retombe d’un coup.
     
    L’Italienne a les yeux rouges. Elle a pleuré. Elle souffre le martyre.
    En nous voyant arriver de si bruyante manière, de si cavalière façon, elle ne fronce pas les sourcils, elle ne se raidit pas, non, elle retrouve le sourire, elle reprend confiance et elle tombe aux genoux de l’agresseur, en disant : — Que Dieu vous bénisse… vous êtes mon dernier

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