Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
Vom Netzwerk:
remonter la pente jusqu’à ce sentier perdu, au cœur de Paris, fameux coupe-gorge où Belles-Manières réside en compagnie d’une poignée de seconds couteaux. Une chance, l’homme est là, entouré de ses compères. Celui-ci et ceux-là ronflent impunément, cuvant un vin de moindre délice. On verse des seaux d’eau et l’on fait rouler une douzaine de pièces sur la table. La froideur du liquide, la sonnerie délicate des pièces tintant les unes contre les autres, le rayonnement de ces disques d’or reflétant les premiers rayons du jour : tout cela achève de dégriser les ivrognes. Ils sont remis sur pied en un tournemain.
    — Diable ! dit Belles-Manières. D’Artagnan !
    — Le bonjour, Pierre Mathieu ! intervient don Juan.
    — Rappelez-moi votre nom… cher monsieur.
    — Don Juan de Tolède, pour vous servir, répond mon compagnon. Comme je le disais à d’Artagnan, envers qui vous êtes quitte, sans faire de manières, vous restez mon obligé. Nous étions trois.
    — Ah, monsieur ! s’indigne Belles-Manières, vous jouez avec les nombres !
    — Et je fais danser les écus, voyez vous-même, dit Amadéor en versant devant lui une nouvelle poignée de florins.
    Belles-Manières et ses deux acolytes – des détrousseurs nommés Auvergne et Pied-de-fer, véritables figures sorties d’une gravure du grand Callot – se rapprochent de la table, le sourire aux lèvres, les yeux brillants comme des escarboucles.
    — Bienvenue à bord, dit don Juan à l’adresse des comparses, nous embauchons toutes les bonnes volontés, en plus de rappeler les hommes de parole à leur serment.
    Les hommes de Belles-Manières se décident sur-le-champ.
    — C’est oui. On vous suit.
    — Par simple curiosité, demande Pierre Mathieu, dit La Mort, pour quel genre d’équipée partons-nous en si bon nombre ?
    — À tout dire, répond Amadéor, nous ne sommes peut-être pas assez nombreux. En plus des écus, qui sont des florins, de solder un deuxième tiers de votre dette, monsieur Mathieu, nous vous offrons une place au Paradis : la rédemption. Il s’agit de sauver une jeune femme. Margaux, dite l’Alouette. La protégée de Lanteaume.
    — Dans ce cas, dit Belles-Manières, en ce qui me concerne, gardez votre or, je le ferai pour rien. Si ce n’est pour ma dette. Lanteaume est pris, Lanteaume va périr – ce disant le brigand se signe – mais Lanteaume ne s’oubliera pas ! Et il ne sera pas dit que Lanteaume ait monté l’échafaud alors que Pierre Mathieu, dit La Mort, dit Belles-Manières, est resté immobile quand il pouvait prendre sa rapière, monter au créneau et batailler pour sauver sa fille.
    En sommant ses compagnons de le suivre, Pierre Mathieu se retire sur ces mots, déclamés avec une réelle puissance et une profonde conviction.
    Les truands reviennent sitôt après chargés de fer, de mousquets, de poire à poudre, de munitions, de haches, de dagues et de couteaux, de grappins et de cordes.
    Et Belles-Manières de donner l’ordre du départ :
    — En route et mort aux ravisseurs !
    …Et les seconds
    Après les reîtres de principe, il s’agit d’aller trouver un homme d’honneur.
    Le jour se lève. Je reconnais le chemin.
    Nous quittons les murs de Paris.
    Des oiseaux s’envolent… piaillant.
    Puis des corbeaux… rasant le sol, se dispersant par bandes, comme une armée en déroute.
    Une petite brume se dissipe dans un poudroiement de lumière.
    Une maison apparaît. Nul besoin de planter une enseigne pour prévenir les marcheurs égarés de la laisser sur leur chemin. Ici, tout le monde sait que l’endroit est maudit, que le Diable y tient ses quartiers.
     
    Alors que son frère vient de questionner Lanteaume à grands renforts de supplices, qu’il doit certainement se reposer à la Bastille dans un espace réservé, don Juan de Tolède vient frapper à la porte de la demeure familiale.
    Lui aussi, en effet, vient toujours sans prévenir là où on ne l’attend pas.
    Pourtant, secrètement, intimement, cela devait faire des années que le père espérait le retour de ce fils prodigue, et depuis qu’il est reparu, sans doute veillait-il chaque jour devant la porte, ne quittant son toit qu’en cas de force majeure, au cas où Jean, l’aîné, reviendrait subitement, entre deux galops, entre deux échappées.
    En effet, Jean Hakard de La Hache n’a pas à patienter longtemps.
    À peine a-t-il frappé que la porte s’ouvre, que le père paraît, que les bras se tendent,

Weitere Kostenlose Bücher