Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
s’effondrent dans les bras de leurs assassins.
Maintenant, la poudre.
C’est une porte à double battant, verrouillée de l’intérieur.
On ne va pas frapper, on ne va pas demander la clef, on va tout faire sauter.
On se recule, la mèche s’embrase. L’explosion est formidable. Des escarbilles de bois volent en tous sens. Il n’y a plus qu’à foncer. À l’intérieur, la détonation n’a pas fait reculer tout le monde.
L’épée hors du fourreau, nous chargeons, courant droit sur les assiégeants comme une volée de flèches, et nos pointes traversent les corps. Une première ligne vient de tomber. La seconde s’apprête à fondre sur nous. À chacun son faisceau d’hommes. Nous engageons le fer à un contre quatre. Nous sommes l’orage, nous sommes l’éclair, nous sommes la foudre ! En dépit du nombre, nous avançons et les autres reculent. À chacun son cri de guerre, à chacun son jurement, à chacun sa protection, sainte ou déchue. Tue ! À moi ! Notre Dame ! Barbe-Mahom ! Vive la joie ! Les brigands invoquent Azraël et Belzébuth , Sidragasum et les cornes du diable , les autres saint Denis, saint Louis, Jésus et sainte Anne. Bientôt le préau se couvre de morts. Les duels se poursuivent à forces égales, à un contre un. Une nouvelle consigne est donnée : Vaincre mais épargner. Il faut des survivants.
Chacun lutte de son côté, sous le préau, dans la chapelle, les jardins, le clocher, sur les marches. Mon adversaire se dérobe, je lui cours après, il m’entraîne de pièce en pièce, de salle en salle, nous marchons sur les tables du réfectoire, sautant de banc en banc. Il passe une porte. Derrière, des prisonnières, terrifiées.
Mon homme ressort en ayant pris une novice en otage. Je dois jeter mon épée. Il veut s’enfuir. Il se dirige vers la sortie. Je le suis en gardant mes distances. Il arrive dans la cour. Mais soudain les cloches sonnent, à toute volée. L’homme est surpris, il s’immobilise, la novice en profite pour lui fausser compagnie. Au même instant, un spadassin traverse une fenêtre. Don Juan de Tolède vient de lui faire faire le grand saut.
Mon adversaire reprend sa course. Il n’ira pas loin. Un couteau – celui de Belles-Manières – siffle dans l’air et le cloue contre le mur.
Du côté de l’ennemi, plus un homme debout. Du nôtre, comme par miracle , tout le monde est indemne.
On regroupe les blessés, il va falloir les faire parler.
On fait sortir les captives, enfermées dans la grande salle.
Don Juan fouille les cellules, le couvent de fond en comble, mais rien…
Enlèvement et sacrilège
— Elle n’est plus là, nous dit une des sœurs, en comprenant que nous ne lui voulons aucun mal, en apprenant que le cardinalnous couvre (quand bien même ignore-t-il le péril de la situation et l’aventure dans laquelle nous nous sommes engagés).
Que s’est-il passé ?
C’est à ces sœurs qu’il faut le demander. Elles nous répondent aussitôt, nous livrant toute l’explication. Oui, Margaux a séjourné ici. Peu de temps. Elle était d’ailleurs comme éteinte, elle ne voulait ni boire ni manger. Elle se laissait dépérir. Il fallut la pousser à se nourrir, à force de patience et de mots bienveillants, à force de prière et de dévouement.
Pour sa protection, on la garda dans une cellule isolée.
Main-gauche n’avait fait que la conduire et la laisser entre les mains de la mère prieure, la cousine d’Hyppolite de Lanteaume, en donnant cet ordre de la part du grand brigand : Empêchez-la de sortir pour son bien, car elle voudra s’enfuir. Lanteaume reviendra la chercher dans quelques jours . Pour lui, pour ce maudit brigand, quel que fût le service, la fidèle cousine fermait toujours les yeux, elle ouvrait toujours son cœur. Elle posait parfois quelques questions, mais si on ne lui répondait pas, elle n’insistait pas davantage.
Le couvent n’est pas seulement ébranlé.
Il est en deuil. Louise de Lanteaume est morte.
Peu avant la défaite de Lanteaume, deux figures se présentèrent à la porte du couvent. On ne se méfia point. Car ces figures étaient pour l’une celle d’un prêtre, et pour l’autre celle d’une belle âme bien connue dans les lieux de culte et les milieux dévots. L’abbé Grégoire de Ravigneaux accompagné de la perfide Edwige de Bellerasse ont prétexté une visite de courtoisie pour s’introduire dans la place et y faire bientôt entrer après eux une compagnie
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