Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
au cours d’une partie de petits chevaux, car une porte vient de s’ouvrir. D’Artagnan est libre de le retrouver.
— Ne perdons pas un instant, dit le roi. Je vous ferai porter à dîner. Encore une fois, nous mangerons ensemble, à la même table.
D’Artagnan doit se laisser entraîner. Quelques instants plus tard, le voici donc apte à reprendre son récit.
Mise à mort
« La pluie se met à tomber. Nous rejoignons les autres.
— Que faisiez-vous ? Il faut partir !
Mais en voyant don Juan de Tolède arriver après moi, tirant la prisonnière, l’épée de l’exécuteur à la main, ils comprennent. Amadéor n’ouvre pas la bouche, il ne semble rien voir autour de lui. Il se dirige vers Belles-Manières.
— Tenez-la, monsieur La Mort.
Don Juan déroule la corde que nous avons emportée, cette corde que maître de La Hache fit tomber jusqu’à nous.
Le brigand s’interroge :
— Vous voulez lui faire tirer la langue ?
— Pas exactement répond l’aventurier en liant les mains et les pieds de la condamnée.
— De grâce, monsieur, s’indigne Edmond de Villefranche en s’avançant vers Amadéor, cette femme…
— Pensons plutôt à mademoiselle, répond don Juan avec fermeté, ce spectacle n’est pas pour elle, emmenez-la à l’écart. Quant à cette femme, elle mérite la mort, monsieur de Villefranche. La mort viendra vite et sans douleur, mais avant cela il faut encore la conduire à son supplice. Je suis tout désigné pour accomplir l’une et l’autre tâches.
— Alors que ces hommes vont se lancer à nos trousses ! s’exclame le gentilhomme en désignant le château que nous avons fui, qu’ils vont nous tomber dessus !
— Pour nous tailler en pièces ? Non, n’ayez crainte, gentilhomme, je ne suis pas si fou ni tant aveuglé par la douleur pour les laisser nous reprendre à l’heure de la délivrance. Toujours être là où l’on ne vous attend pas, rappelez-vous ma devise. Qui songerait à demeurer plus longtemps dans cette prison alors que la grille est ouverte ? Les cavaliers s’éloignent de plus en plus, nous cherchant là-bas, au diable vauvert, alors que nous sommes restés chez eux.
Ces mots dits, Amadéor fait signe à Villefranche d’écarter l’Alouette, à lui faire tourner le dos.
Le jugement est sans appel.
Sans pudeur, sans égard, sans respect, don Juan déchire les vêtements de sa prisonnière jusqu’à la mettre nue. Puis il déroule ce qu’il reste de corde, en passe une extrémité autour des liens qui retiennent les mains de la captive, fait un nœud bien serré, attache l’autre bout au dos de sa selle et monte à cheval.
La malheureuse intrigante n’a d’autre choix que de se laisser tirer puis traîner au sol, face contre terre, dans les ronces et sur les pierres.
Souffre par là où tu as péché, voici le tourment avant le châtiment.
Les cris, les suppliques, les gémissements de la condamnée ne peuvent nous laisser insensibles. Mais la sentence a été prononcée, le bourreau est en marche.
Sans jouissance cruelle, mais sans hésitation, sans émotion enfin, il va faire… ce qu’il faut.
Nous le laissons disparaître en contrebas, s’enfoncer dans les bois.
Quelques instants plus tard, nous entendons encore celle qui fut si belle supplier des larmes dans la voix… Pitié, pitié…
Le silence, autour de nous, est si profond que nous pouvons entendre la réponse de son juge.
— Allons, de la dignité, madame, Dieu vous voit. Recommandez votre âme et ne bougez pas ou la souffrance serait terrible.
Quelques instants plus tard, quelques longues secondes plus tard, alors que la pluie tambourine sur les feuilles des arbres, un bruit retentit. L’épée s’est abattue.
Justice est rendue.
Sang pour sang
Nous nous apprêtons à partir, enfin.
Mais don Juan de Tolède n’a pas encore fini.
Il revient, me tend l’épée de son père, et me dit :
— Ramenez-la à mon frère si je meurs.
Il sort alors sa rapière du fourreau avant de se tourner vers le gentilhomme, en l’invitant à le rejoindre sous la pluie : — Monsieur de Villefranche, je crois que le moment est venu de conclure cette affaire que nous avions laissée en suspens.
Imaginez, Sire, la surprise qu’est la nôtre.
— Quoi ? Ici ? Maintenant ? demande le gentilhomme pris au dépourvu.
— Il n’y a pas d’heure pour les braves, répond sèchement don Juan de Tolède. Abreuvons la terre de notre sang, l’eau du ciel
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