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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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lavera nos blessures.
     
    L’Alouette ne comprend pas, Belles-Manières non plus, et Edmond reste immobile.
    Don Juan s’explique, résolu, cette fois, à tout avouer publiquement.
    — Mademoiselle, monsieur Mathieu, je lis la surprise sur vos visages. Je dois vous dire de quoi il retourne et vous conviendrez tous deux, je n’en doute pas, qu’il n’y a point d’autre issue : nous devons jouer du couteau, monsieur de Villefranche et moi-même.
 
    L’aventurier entend présenter les choses comme sur une scène de théâtre.
    Il poursuit :
    — C’est beau et triste comme du Corneille. Écoutez plutôt, nous dit don Juan en s’apprêtant à nous porter un coup à l’estomac : Refusant de régner, maître de l’échafaud
    Avec ce sceptre : la hache du bourreau
    Je déserte mon toit. Un noble soldat du Roy
    M’adopte, m’enseigne, m’offre son nom, ses droits
     
    Mais j’aime sa fille, je la veux pour femme
    Pour épouser ma sœur et ceindre les armes
    Je dois jouer, tricher, faire disparaître
    Ma race sous le blason d’illustres ancêtres
     
    Muni d’un parchemin gagné à pile ou face
    Chez les mousquetaires, je viens prendre place
    Tréville me juge : brave, fine lame
    Mais les lettres, fausses, sont jetées aux flammes
     
    Témoin de ma chute, un cadet s’emporte
    M’injurie, me raille, me montre la porte
    Je l’invite sur le pré. Refus. Je l’y force
    On se bat, je le tue, d’un coup sec, au torse !
     
    Vengé, oui, hélas… sur cette révérence
    Pour de l’or, des femmes, je quitte la France
     
    À mon retour, pressé, le passé me présente
    Ce beau maître d’armes qu’un deuil tourmente
    Et son page fidèle.
L’aventurier désigne Edmond de Villefranche, en disant : J’ai tué son frère
    Quant à l’écuyer, il est mon sang, ma chair !
Voici, conté en vers, le nœud de l’histoire
    Que l’un porte le rouge, l’autre le noir !

Duel
    Edmond de Villefranche ne trouve rien à répondre, les mots lui manquent. Lentement, comme à contrecœur, il tire le fer et se rapproche de don Juan pour faire face à ses obligations.
    Cruelles obligations. Impitoyable destinée.
    Ne sort-il pas tout juste de la maison de La Hache ? Que s’est-il passé là-bas ? Comment a-t-il vécu cette vie quotidienne entre le père et le frère de son adversaire ? A-t-il pris part aux jeux des enfants ? Leur a-t-il baisé le front, lui aussi, le soir avant qu’ils ne s’endorment ?
    Est-il resté à distance ? Ne partageant que le nécessaire : les repas, le silence, l’isolement ? Mais quand bien même se serait-il gardé d’aller plus loin, ce nécessaire là, c’est déjà l’essentiel.
    Margaux veut intervenir, mais Belles-Manières la retient.
    — Laissez , dit-il.
    Les lames se frôlent, les duellistes se jaugent. C’est maintenant la troisième fois qu’ils se mesurent. Vont-ils enfin pouvoir achever ce combat dont ils n’ont fait que répéter les premières lignes ?
    C’est Edmond de Villefranche qui porte la première touche, il ouvre. L’aventurier le laisse venir. Les attaques et les ripostes s’enchaînent soit vivement, au coup par coup, soit entre de lentes respirations où les fers restent à l’affût, pointe contre pointe.
    Soudain, la cadence s’accélère.
    Les enchaînements sont plus audacieux, plus dangereux, plus secs, on utilise ses bottes, on multiplie les feintes.
    Là encore, Edmond s’y essaye le premier.
    Prise de fer… contre deux. La manœuvre est lancée, et si bien que l’on juge don Juan de Tolède perdu, vaincu d’avance. Cette phrase en quatre temps pourrait bien être la dernière. Et voici que l’épée du gentilhomme va mettre un point final à cette querelle. Mais non… non, comme s’il avait anticipé l’imprévisible, don Juan de Tolède se dégage, reprend haleine, le pourpoint et la chemise déchirés, le bras ouvert, ce coup qui devait l’expédier n’a fait que l’écorcher. Le gentilhomme est au désarroi. Comment est-ce possible ? semble-t-il se dire.
    Mais ce qu’il se dit, il ne peut se le dire longtemps. À présent, c’est Amadéor qui mène la danse… Et ce qui vient de se passer, ce qui ne devait pas se produire, se répète dans l’autre sens, comme renvoyé par un miroir : Villefranche est touché, mais la plaie n’est pas mortelle. À croire que la mort, si volontiers tranchante d’ordinaire, si jalouse de son fameux tomber de rideau, de cette chute qu’elle maîtrise mieux que nul autre et dont elle use

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