Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
l’inquisiteur, répond l’accusé, un innocent a des droits.
— Il dit vrai, répond le chevalier du guet. Il faut en rester là.
Mais le propriétaire du carrosse ne peut souffrir l’offense. Il veut obtenir gain de cause, coûte que coûte. Il va s’entretenir en particulier avec l’agent de la prévôté. Il trouve des arguments, j’enperçois quelques bribes : Ce visage doit être connu de vos services, je jurerais qu’il est gravé sur l’un de vos avis de recherche … Là encore, rien n’y fait. Cette fois, l’accusateur s’écarte davantage, il entraîne son interlocuteur à le suivre, et lui glisse de nouvelles paroles à l’oreille. Le chevalier du guet semble fléchir, comme contraint.
Il va donner ordre à ses hommes de se saisir du cavalier et de son compagnon.
Voyant cela, je me décide à intervenir, après m’être présenté, avec toutes mes références.
L’accusateur jouit, manifestement, de hauts appuis. Le chevalier du guet se refuse à m’en dire davantage. Je dois abattre mon jeu, à mon tour.
— Je suis en service commandé. Mes ordres viennent de la reine et je place cet homme sous ma protection.
Pour mieux me faire comprendre, je révèle un blanc-seing, document de dernier recours.
L’autre, ne pouvant monter plus haut sans faire appel au parrainage du Tout-Puissant, doit en rester là.
On l’informe de sa défaite.
Je ne sais pas bien qui est ce cavalier, cet aventurier, mais je me fie à mon nez. Et parfois, il faut promptement choisir son camp sans être directement concerné. Je veux cet homme dans le mien, pressentant que cela pourrait bientôt m’être utile.
La foule s’écarte.
Le guet reprend sa marche. Le cavalier s’approche de la voiture avant qu’elle s’en aille. Il nargue son adversaire. Je peux tout entendre.
— Soyez beau joueur.
— Beau joueur ? dit l’autre en serrant les dents.
— Vous êtes dévalisé, bon. Eh bien, tâchez de vous refaire la main. J’irai braver la fortune rue de l’Ours, au cabaret de La Tour d’Auvergne , une bonne table de jeu, paraît-il…
— Avec mon argent qui vous attend sous une trappe, dans une cave du voisinage ?
— Détrompez-vous. La réalité, en la présente, est telle qu’elle se montre. Je n’ai plus un sol à miser sur le tapis, juste une bague que je garde à l’abri, au fond de mes bottes… par crainte des voleurs. Puisse ce reliquat – un bijou de famille – me porter chance et me remettre en selle. Alors, relevez-vous le défi ?
— Je ferais mieux de vous jeter mon gant ! Mais je ne m’appartiens pas.
— Tant mieux. J’attends votre réponse, serez-vous de la partie ?
— Assez, monsieur ! Nous sommes pillés ! Que croyez-vous ? Que je sois magicien, peut-être ? Que l’or me pousse dans la main ?
— Soyons clairs. Je ne dissimule aucun butin, je n’ai ni coffre ni grenier. En revanche, je crois qu’un homme de votre espèce, roulant carrosse, se garde bien de placer tous ses œufs dans le même panier. Je vois d’ici vos banquiers des environs : gras comme des cochons. Sonnez-les.
— Il suffit, maroufle ! Vous vous méprenez !
— Ben voyons. Ne le prenez pas mal, mais sauf votre respect, je doute fort que ce bel équipage suffise à tenir à bord une si ravissante épouse.
— Vous allez trop loin ! reprend l’offensé, je ne vous permets pas !
Une petite voix sort de la cabine.
— Nous irons.
— Comment ?
— Oui, mon ami, nous irons. Vous m’avez bien entendue. Vous retrouverez votre bien, sans perdre votre honneur et nous dépouillerons ce monsieur… Jusqu’à le mettre à nu.
Entre la jeune passagère et le séduisant cavalier, la connivence est désormais établie. Aveuglé par sa rancune, pressé de quitter cette place où il tient le mauvais rôle devant quantité de témoins, le mari baise la main de sa charmante épouse sans s’être aperçu de rien. L’imbécile. Il veut croire à cet heureux augure bénissant sa vengeance et s’en remet aux bons conseils de sa belle amie, une amie moins soucieuse en vérité – cela me saute aux yeux – de redorer son blason que d’assouvir son bon plaisir.
— Madame, termine l’offensé, qu’il soit fait selon votre volonté.
Puis, en se redressant, l’homme m’aperçoit. Il va commander le départ de sa voiture, mais il faut avant cela redresser le front devant l’ennemi.
— Monsieur, je ne vous salue pas.
— Fort bien, dis-je. Mais moi, qui dois-je saluer ?
— Me prenez-vous
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