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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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c’est l’inspiration du moment. En me faisant passer pour le cardinal, j’espérais bien sûr délivrer Lanteaume , me dit-il, mais je souhaitais surtout regagner sa confiance . Pourquoi ? Pour obtenir ce que tout le monde cherche. Ces chefs de meute ne parlent pas sous la violence. Ils souffrent, ils tiennent, ils maudissent leurs bourreaux et ils meurent, emportant leurs secrets dans la tombe. C’était risqué, je vous l’accorde, mes chances de réussite étaient plus que mince, mais qui ne tente rien…
    En vérité, d’autres raisons le poussaient à prendre cette folle initiative. Nous en parlerons bientôt, mais d’abord, Fortunio.
    — Hélas, oui, chevalier, c’est bien moi qui l’ai tué, avec cette dague rouge de son sang, cette dague que vos gardes m’ontprudemment reprise avant de me faire entrer dans cette chambre inhospitalière où il fait bon mourir.
     
    “Tout s’est enchaîné. Vêtu de la tenue de Son Éminence, un masque au visage – ce masque si utile que l’on se devait de porter dans l’enceinte de ces lieux maudits, l’hôtel de l’empoisonneuse – un masque au visage, dis-je, accompagné de cette garde tenant la porte, garde que j’informe de mes intentions nouvelles, avec un accent imitant à merveille celui de mon modèle, je descends l’escalier, et je me dirige vers sa voiture… Diable, désormais, ce qui est à lui est à moi. Mais avant d’avoir pu atteindre le carrosse, alors que j’ai donné mes ordres : lever de camp, dispersion des forces (je ne tiens plus à être trop bien gardé, en cas d’échauffourée, mes défenseurs pourraient se retourner contre moi), oui, alors que tout le monde s’apprête à quitter ce refuge, les uns pour la Bastille, les autres pour le gîte, une sentinelle vient au pas de course me transmettre un message :
    — Un certain Gilles Tancelin vous demande. Il m’a dit que vous comprendriez. Il m’a dit aussi qu’il voulait vous voir seul à seul, qu’il avait des informations urgentes et confidentielles à vous transmettre… sans délai.
    Tancelin, vous souvenez-vous, chevalier ? Ce Tancelin était accompagné par votre serviteur, devenu pour l’illusion – encore une – le confesseur dudit monsieur, monseigneur l’abbé Bernardin du Querroy. Ce Tancelin que vous deviez incarner, avant d’être remplacé au pied levé par Fortunio. Cela, Son Éminence ne pouvait l’ignorer, puisque je l’avais informée de tout – comme à mon habitude – par un courrier détaillé.
    Intrigué au plus haut point, réalisant aussitôt, comme Son Éminence en propre l’aurait également compris si je n’avais pas pris sa place, qui me demande, je fais signe à mes hommes de m’attendre. Je dois m’absenter, sans escorte.
    Ce Tancelin m’avait donné rendez-vous au bas de cet escalier que nous avons grimpé pour retrouver le cardinal.
    J’arrive, en prenant soin de ne pas ôter le masque.
    C’est bien Fortunio, lui aussi porte le sien, mais je reconnais sa tenue. Lui, évidemment, se méprend. Il garde un bras caché sous cette cape accroché à son épaule. Il est fixe.
    Je reste à distance. Je conserve la voix de mon maître. Eh bien, jeune Fortunio , lui dis-je, qu’avez-vous à m’apprendre de si important ? Avant de me répondre, Fortunio regarde derrière moi, vérifiant que nul ne m’ait suivi, que nous sommes parfaitement seuls.
    Il fait deux pas en avant. Il se penche vers moi, comme pour me parler à l’oreille et me dit : J’ai un message pour vous, de la part du Saint-Siège… Va au diable !
    La main cachée sort aussitôt, armée d’un poignard. Seulement, je me tenais sur mes gardes, j’empoigne le bras de l’assassin – il faut parler français… Une lutte s’ensuit.
    Je parviens à pousser Fortunio contre un mur. Il s’est dégagé, il reprend appui, déploie le bras, la lame en avant, je l’esquive de justesse. Je le frappe au visage. Il revient à la charge, nouveau corps à corps, ce complice n’est pas celui que je croyais, et il est plus fort que je l’imaginais. Il ne cesse de me surprendre, il m’envoie à terre, je roule, il se jette sur moi. Une nouvelle fois nous nous empoignons, je parviens à le priver de sa dague, qui glisse sur les dalles, je veux lui parler, mais tout va trop vite. Il se relève, sort un nouveau poignard rangé derrière son dos, j’ai juste le temps de saisir cette lame tombée à terre et de la porter sur mon ami avant qu’il me tue.
    Fortunio s’écroule.

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