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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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d’affronter les miasmes de la prison, ces miasmes qui pourraient remonter de ses profondeurs, se mêler jusqu’aux derniers degrés, à l’air que l’on y respire.
    Hélas, pour don Juan, le lieutenant du roi, chargé d’opérer le transfert du captif, revient désolé, et fort embarrassé du message qu’il doit délivrer. Monsieur Lanteaume refuse de sortir. Faut-il le contraindre par la force ? demande le préposé.
    Don Juan aimerait mieux quitter la place le plus discrètement possible. Ce damné brigand va donc l’obliger à montrer sa tête. Il ira lui-même le chercher. Mais afin que sa tête ne soit point reconnue par toute cette intendance, déjà bien habituée à la figure du véritable cardinal, don Juan, bien souffrant donc, sort en toussant, le mouchoir à la bouche.
    L’habit fait le reste, en faisant illusion. Au terme de l’ascension, don Juan demande à ce qu’on lui ouvre la porte, prie la sentinelle en faction de bien vouloir se retirer, c’est un ordre , quant au capitaine des portes, qu’il reste dans le couloir à quelques pas de distance. Son Éminence est certaine de pouvoir veiller elle-même à sa protection, et par ailleurs elle doit s’entretenir avec le coupable de choses confidentielles. Ouste !
    Lanteaume enchaîné, dans une sombre cellule, sans meuble ni lit, couchant sur la paille, se méprend en voyant entrer cette silhouette vaguement éclairée à contre-jour par la lumière filtrantdu couloir. La maigre lucarne grillagée qui éclaire seule sa chambre ne laisse passer qu’un peu de jour sur les pieds du visiteur. Oui, Lanteaume tire sur ses chaînes, il croit voir son juge, son ennemi, le vainqueur. Je ne suis pas homme, dit-il, à lécher la poussière. Vae victis ! Retire-toi, Satan !
    Don Juan doit faire quelques pas de plus. Le brigand se redresse, il veut voir le diable rouge à hauteur d’homme, dans les yeux, et non prostré comme une bête apeurée, une araignée repliée sur sa toile.
    Amadéor avance encore, le doigt sur les lèvres. Il invite le prisonnier au silence, à taire la surprise. Il faut parler bas. Toi ! s’étonne en effet Lanteaume, en reconnaissant ce visiteur des plus inattendus ! D’abord, Lanteaume le croyait mort. Main-gauche n’avait-il pas été chargé de l’envoyer ad patres ? Ton bras droit porte bien son nom, Lanteaume, dit don Juan , il m’a manqué .
    C’est pour elle que tu es là, n’est-ce pas ? demande le condamné, pour l’Alouette.
    Un peu, répond don Juan, et aussi en mémoire d’un homme à qui tu ressembles, Lanteaume. Un homme que j’ai dû abandonner, il y a bientôt vingt ans, à ta place… Qui sait, il était peut-être ici même dans cette cellule, entre ces murs, son nom pourrait avoir été écrit de sa main sur l’un d’eux. Henri de Maisonneuve.

Tamerlan
    Maisonneuve… À l’énoncé de ce nom, Lanteaume perd sa contenance. Il est si troublé, qu’il prend appui sur la pierre. Oui, c’est peut-être l’âme de ce défunt qui a guidé malgré lui le bourreau des cœurs, don Juan de Tolède, dans ce cachot sinistre, non pour qu’il libère un condamné à mort, un prisonnier résolu à affronter son châtiment et notre juge à tous, mais afin qu’il se délivre lui, enfin, après tant d’années, d’un poids qu’il n’aurait peut-être jamais dû supporter.
    — Maisonneuve …, répète Lanteaume, quel terrible souvenir ! Nous réglâmes ensemble une triste affaire.
    — Comment cela, une triste affaire ? demande don Juan.
    Lanteaume s’explique, tandis que l’aventurier recule, effrayé par ce qu’il entend.
     
    “Henri de Maisonneuve avait une double vie. Lassé d’attendre un retour en grâce, le rappel au front, sans fortune, sans plus d’espoir, mais fort jeune encore, gardant un bras des plus solide, il devint l’énigmatique Tamerlan. Nul ne devait savoir qui se cachait sous ce pseudonyme emprunté à la figure d’un guerrier sanguinaire. Mais le nom, à Paris, devint célèbre. Le six du mois, Tamerlan siégeait à la Croix de fer entre dix heures et midi, au fond d’une petite salle, devant une table isolée. Il y avait une procédure : Frappez et l’on vous ouvrira , devait annoncer le visiteur. En réponse de quoi, Tamerlan autorisait le demandeur à s’asseoir sur ces mots : Donnez et vous recevrez . Oui, s’il fallait trouver une bonne lame, solide comme un mur, rapide comme la foudre, pour éliminer un gêneur, régler un différend par truchement, c’est

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