Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
inconnus, et pour cause. Philippe de La Veyre devrait se féliciter d’avoir quitter ce foyer d’intrigues dans lequel il s’était égaré, tout cela lui a tant coûté.
Mais l’image de cette femme, de cette jeune frondeuse, de cette Alouette, lui revient à l’esprit.
Philippe de La Veyre ne peut la reconnaître, assise non loin de lui, dans cette robe, sous ce masque. En revanche celle qu’ilreconnaît parfaitement bien qu’elle n’ait fait que passer sur le côté de la scène, c’est cette jeune bohémienne, Valériane, instrument aux cheveux rouges qu’il tenta d’utiliser pour assassiner le cardinal de Mazarin et empocher la récompense offerte par la Cabale. Que fait-elle, ici ? Cette garce l’a bien trompé.
— Où allez-vous ? lui demandent ses amis en le voyant se lever et quitter son siège.
— Je reviens dans un ave , dit le gentilhomme en se levant .
Cette Valériane se dirige vers les coulisses.
Toujours muni de son masque, Philippe de La Veyre va discrètement la rejoindre, une dague à la main, une main sous le manteau. Il lui prend le bras, la menace en pointant l’arme contre sa taille, exige son silence et l’entraîne à l’écart, dans un coin tranquille, où personne ne viendra les déranger.
La lame du couteau passe de la taille à la gorge, l’autre main restée libre, abaisse le masque, révèle les traits du visage.
— Vous !
— Oui, moi ! Belle sorcière. Tu m’as trahi !
— Qui a trahi l’autre ? C’est vous qui m’avez trompée le premier et je ne regrette pas, croyez-moi, de ne pas l’avoir tué, votre cardinal. Injuriez-le, maudissez-le, il vaut mieux que vous. Je ne sais pas s’il est toujours bon, toujours juste, s’il pardonne souvent… Mais il pouvait me conduire aux fers, me menacer, me bercer de mensonges, me faire peur, comme vous, au lieu de quoi il m’a rendu ma liberté, il m’a trouvé une place, il m’a donné de l’argent, sans arrière-pensée, sans calcul. Regardez-vous, le couteau à la gorge d’une femme, beau gentilhomme en vérité ! Le cardinal est là, ce soir. Je lui ai promis de lui désigner l’homme qui m’avait manœuvrée si l’occasion m’était donnée de le reconnaître, c’est chose faite. Tuez-moi ou je vais de ce pas l’avertir, choisissez !
Et Philippe de La Veyre fait son choix. Il relâche la femme. Il accepte de la laisser le perdre. Il ne songe même pas à quitter l’hôtel pendant qu’il en est encore temps.
Soit, que le cardinal vienne le chercher.
Philippe de La Veyre remet son masque au visage et il retourne s’asseoir.
Étonnamment, le cardinal ne paraît point.
Philippe de La Veyre ne peut savoir en quelle fâcheuse position, privé de sa pourpre, Son Éminence se trouve alors. Sans se soucier davantage de cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête, le gentilhomme assiste donc à la pièce en s’attendant à être arrêté d’un instant à l’autre. Mais rien.
Il est libre. Libre de voguer à sa guise, de faire ce qu’il lui plaît.
Il va donc de bordel en tripot, poussé par la force du nombre, docile comme un agneau, se repaître de plaisirs, s’abandonner aux ivresses de la luxure.
Les noces durent jusqu’aux dernières heures de la matinée… et maintenant pour finir en beauté cette soirée de rêve, ses amis qui ont pensé à tout, le dirigent vers la place de Grève. Retour au théâtre.
Triumvirat
Revenons quelques minutes en arrière.
Le conteur a toutes les licences, surtout si ces licences peuvent servir son histoire.
Un magnifique attelage arrive dans Paris, au milieu des marchands ambulants, des bouviers transportant vivres et tonneaux, des prostituées souriant aux plus fortunés, des enfants sauvages aux cheveux infestés de puces, marchant le pied nu ou le soulier troué.
Ce carrosse, c’est l’équipage de Jean Paris, une voiture qui porte du rêve aux petites gens, un soleil rutilant au cœur de la grisaille. On s’arrête de marcher pour la mieux voir passer, admiratif. Certains se décoiffent, par respect sincère, ou par prudence… Diantre ! Même la boue que ses roues font voler semble étrangement anoblie, ce n’est plus de la fange, du purin, de la crotte, mais de la bonne terre !
Approchons.
À bord de ce carrosse rouge et doré conduit par quatre chevaux de race, se trouvent les trois plus hautes têtes de cette conspiration en déroute, de cette Cabale des Importants mise en échec.
Le Lion, le Serpent et la
Weitere Kostenlose Bücher