Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
nous reconnaissent, Hercule et moi, aussi ils commandent l’arrêt de la voiture. La voie est bouchée. Nous ne pouvons plus avancer.
Et ce n’est pas tout, avec eux vient également un cavalier, il suivait la voiture. Ces messieurs voyagent ensemble. Lui, n’en croyant pas ses yeux, c’est l’Alouette qu’il reconnaît.
On ne passe pas
Les voyageurs ouvrent les portières.
Ils tiennent des bouteilles de vin à la main, et portent des filles de joie allongées entre leurs bras.
— Sortez, mesdemoiselles ! disentils en les bousculant dehors.
— En voilà, des manières ! répondent-elles.
Ces filles placées devant nous nous empêchent de tirer les armes. Et ce n’est pourtant pas l’envie qui nous manque.
— Payez-vous, disent encore les passagers en jetant des pièces à leurs pieds. Et poussez-vous, nous avons une affaire à reprendre.
Ces débauchés ne sont pas aussi gris qu’ils le paraissent.
— Ah, un peu d’air… et maintenant un peu d’exercice… de la mise en jambes avant le spectacle !
Les filles de joie restent à ramasser les pièces une à une.
— Quelle idée de les éparpiller à tout-va, dit l’un des hommes à son compagnon, maintenant, elles ne vont jamais partir.
Ils ont les fers à la main. En riant, l’un des gentilshommes – ils en ont du moins l’air et les manières – enfonce sa pointe d’épée dans le postérieur d’une des prostituées penchée devant lui. Elle se redresse en hurlant.
— Disparaissez, ordonne le cuistre, ou je tue la prochaine !
Les drôlesses partent en courant.
L’Alouette est partagée.
Elle rêve de régler son compte à ce cavalier qui lui fait face, mais Main-gauche avant tout, lui dis-je, en l’invitant avec Hercule à faire demi-tour, à gagner la place de Grève par une autre voie.
Mais l’autre côté se ferme également par une paire de cavaliers.
Nous sommes pris dans un étau.
Les choses sont claires. On n’y coupera pas. Il faut mettre pied à terre et flamberge au vent.
Présentations
Mais expliquons, Sire.
Les passagers de ce carrosse, nous les reconnaissons, Hercule et moi, comme ils nous reconnaissent également. Qui sont-ils ? Rappelez-vous, Sire. Hercule venait de triompher à l’hôtel deBourgogne. Chimène tombait dans ses bras. Mais pour un soir seulement. Car le lendemain, Rodrigue chutait de haut : du Parnasse à l’empire des morts. Cette Chimène payée en sous-main par la jalousie de Desdémone le trompait ouvertement, effrontément, avec un meilleur parti, afin de l’éloigner. Ce meilleur parti ou du moins paraissant l’être, était entouré d’une compagnie de libertins partageant ses goûts, ses vices et les deniers de sa bourse.
Ce sont eux que nous affrontâmes, don Juan de Tolède et moi-même, en quelques coups d’épée, les obligeant à abandonner leur victime désarmée, ivre et de vin et de colère, Hercule roulé dans la poussière, traîné dans la boue.
Quant au cavalier que l’Alouette dévisage la haine dans les yeux, la bouche close tant les mots ne peuvent exprimer ce qu’elle ressent, c’est son ancien prétendant, le cavalier seul de la Cabale… cet intrigant qui chercha à séduire la jeune frondeuse et à l’utiliser pour porter sa dague à la gorge du cardinal.
C’est cet homme qui lui donna rendez-vous devant la tombe de l’inconnu.
— Lui ! s’exclame le roi.
— Oui, Sire. Je vous l’ai dit : cette exécution attire bien du monde, elle remue nombre de populations. C’est que le nom de don Juan de Tolède est devenu fameux à la Ville. Ne fut-il pas recherché pour mort d’homme ? Certes, je suppose que le cardinal a donné des ordres stricts pour que l’aventure jouée à la Bastille n’aille point s’ébruiter hors de la prison. Quelle aubaine cela serait pour les adversaires de Son Éminence ! Un nouveau prétexte pour le tourner en dérision. Mais quoi qu’il en soit, le nom de cet homme fait du bruit et l’on veut voir de près à quoi il ressemble, on vient entendre ses dernières paroles.
Mais reprenons…
Les passagers de ce carrosse et ces cavaliers sont bien évidemment moins pressés que nous le sommes. L’occasion est trop belle, nous ne sommes que trois, ils sont le double.
Du moins, ils croyaient l’être.
Car l’un d’eux change de camp.
Il ne porte décidément pas chance à ses amis.
Cet homme, c’est le cavalier seul de la Cabale.
Pour changer
Contre toute attente, il quitte la selle de son cheval, sort
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