Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
dos.
Nous avançons vers Main-gauche, nous préparant à nous diviser au dernier instant pour le prendre en tenaille, quand un nouvel individu vient à ma rencontre. Je ne le connais pas.
— D’Artagnan ?
J’écarte Bastoche, je suis prêt à sortir l’épée. Qui le demande ?
— Un humble serviteur de Son Éminence, dit l’homme en baissant la tête, faute de ne pouvoir saluer avec plus de respect et d’ampleur.
— Cela, monsieur, dis-je en restant sur mes gardes, reste à prouver…
L’homme se penche vers moi et me murmure à l’oreille :
— Je dis d’Artagnan, mais je devrais dire Amadieu. Le cardinal m’envoie vous chercher.
Je fais signe aux autres, Hercule et l’Alouette de patienter un instant. Amadieu , ce nom ne peut-être connu, effectivement, que de monsieur votre parrain, Sire, mais je reste intrigué :
— Et comment diable avez-vous pu me reconnaître dans cette cohue ? Mon nom serait-il gravé sur mon visage ?
L’homme reste discret, il continue de me parler au plus près, en me montrant une maison donnant sur la place :
— Derrière moi, Son Éminence surveille la bonne marche de l’exécution du haut de cette demeure, face à la fenêtre, deuxième étage. Il vous a vu approcher, il m’a envoyé à votre rencontre, maintenant, ne tardons plus.
Je lève la tête, mais je ne peux rien voir, je dois faire confiance.
— Mais Main-gauche, notre piste ?
— Main-gauche ne présente plus d’intérêt, me dit le messager du cardinal. Il ne possède pas ce que vous cherchez.
— Comment pouvez-vous le savoir ?
— Le cardinal vous expliquera, venez !
— Mais alors, cet homme, qu’advient-il de lui ? dois-je demander en désignant don Juan de Tolède.
— Vous ne pouvez plus rien pour lui, venez, vous dis-je ! »
Vir bonus, dicendi peritus
Le roi ne peut prononcer le moindre mot. D’Artagnan poursuit son récit, d’une vois haletante :
« Je me tourne vers mes complices, et en deux mots, je leur fais comprendre qu’il est trop tard. Le cardinal nous demande, nous devons partir et suivre l’envoyé de Son Éminence. Mais l’Alouette refuse d’avancer.
— Il va mourir sans que l’on puisse agir et nous devrions partir ? Lâchement ? Faites comme il vous plaira, je reste.
Le messager insiste. Le cardinal veut retrouver sa fille et la mettre à l’abri, mais la mutinerie est générale. Nous ne faisons qu’un, nous ne bougerons plus de la place de Grève jusqu’à ce que le bourreau ait rempli son office.
Le cardinal sera furieux, dit l’homme, après moi, après vous.
Le messager s’en va, alors que le tambour s’avance devant la foule, baguettes en main, au bord de l’échafaud. C’est le roulement, la cérémonie peut débuter.
Pour une fois l’imposante silhouette du bourreau impressionne peut-être moins que celle du condamné. Devant l’exécuteur revêtu de son uniforme rouge, monsieur de Paris, maître Hackard de La Hache, le frère aîné domine l’estrade et relègue le séparateur au second plan. Un bandeau rougi au sommet du front, les cheveux au vent, les mains prises dans des bracelets, don Juan de Tolède salue son public. On a lu son chef d’accusation, on a prononcé la sentence, on lui accorde le droit de prononcer ses derniers mots. Il s’est tourné vers ses geôliers, vers son exécuteur, on répond à sa question en hochant la tête. Accordé. Il a dû demander un temps de parole plus important qu’à l’ordinaire, car ses derniers mots sont une véritable déclaration :
— Peuple de Paris, je te salue. Je suis ton frère. Je me réjouis d’offrir mon sang à la terre qui te nourrit ! Tout maraud que je suis, je dois être honnête avec toi. Le crime dont on m’accuse n’est qu’une épine au pied de l’ordre public. Oui, greffier, tu n’as lu que la dernière ligne des mes innombrables forfaits. Rassure-toi, prêtre, faute de temps, je renonce à dénombrer mes crimes. J’ai tué autant d’hommes que j’eus de maîtresses… Et diable, pour ce qui est des femmes, je me garderai bien de donner des noms ! Oui, messieurs, faute de pouvoir étrangler un homme àqui l’on trancha le cou, vous iriez battre vos femmes, lâches que vous êtes !
Des rires commencent à s’élever.
Sur la tribune, les représentants de la justice viennent voir le condamné, on lui parle.
Celui-ci les écoute poliment, il doit demander un dernier répit et se retourne vers l’auditoire pour reprendre sa harangue :
— Il faut
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