Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
l’épée et vient se ranger à nos côtés.
— Que faites-vous Philippe ? Où allez-vous ? Ah, je comprends, dit l’un de ses compagnons, c’est cette demoiselle ! Le minois de cette garce vous fait perdre la raison… Et vous êtes prêt maintenant à vous battre pour elle !
— Rejoignez vos amis, monsieur, dit l’Alouette , j’aurai grand plaisir à vous affronter avec eux.
— L’ingrate ! commente l’un de nos adversaires. Allons, revenez, Philippe, voyez qu’elle ne vous mérite pas.
Pour toute réponse, Philippe porte la pointe en avant, tuant l’homme sur le coup. Pour les autres, c’est le signal. L’ouverture des hostilités.
Il faut se battre sur deux fronts, avec les chevaux au milieu, on se tourne autour. Hercule, lui, est parti comme une flèche. Il entend effacer des mémoires le piteux souvenir de sa déchéance. Pour commencer, il s’oppose à l’un des passagers du carrosse, il parvient à le désarmer et à le pousser à la renverse. Les rôles s’inversent. Mais il n’est pas cruel. Pour inviter le vaincu à déguerpir, il lui renvoie son geste de tout à l’heure, en lui piquant les fesses. Courez, monsieur, courez ou je tranche ! dit-il en pointant son épée vers l’entrecuisse menacée.
L’homme rampe plus qu’il ne court, mais s’enfuit.
Hercule assiège le carrosse. Il déloge le cocher et lui prend des mains ce qui pourrait devenir son arme de prédilection : un fouet. De mon côté, tandis que sifflent les lanières de cuir autour de moi, faisant ruer les chevaux et reculer les hommes, je pare, de quinte, de prime et de tierce, je rentre la tête, j’enroule le fer, je porte le genou en avant, je frappe là où Hercule ne fit que menacer, et je perce pour en finir, trois pouces plus haut.
Deux morts, un homme en fuite.
Hercule et moi allons pouvoir porter nos efforts sur l’autre flanc. Mais, en voyant le rapport des forces s’inverser, celui qui se retrouve seul contre quatre opte pour le salut dans la fuite. L’Alouette est saine et sauve, mais Philippe est touché. Il vient de lui sauver la vie, en prenant au ventre cette pointe de fer qu’elle aurait dû recevoir.
— Pourquoi ? demande la jeune frondeuse au mourant qui, ne tenant plus debout, recule vers un mur.
Ce pourquoi veut tout dire : pourquoi m’avoir trompée si c’est pour me sauver ensuite ?
— Pour changer, répond simplement l’homme avant de mourir, tandis que les cloches sonnent le premier de ces douze coups de midi.
Dans la foule
Il est sans doute trop tard, mais nous ne pouvons renoncer si près du but. Hercule bondit, il saisit les rênes du carrosse et le fait avancer pour libérer le passage.
Nous reprenons nos chevaux, rattrapés à temps et nous remontons la rue vers la place de Grève. Il y a foule, c’est un jour de fête . Toutes les fenêtres donnant sur la place sont grandes ouvertes. Nous apercevons la charrette du condamné, elle roule vers l’échafaud. Une compagnie de gens d’armes entoure l’estrade pour moitié, l’autre escorte le prisonnier. Je suis pourtant étonné de ne pas dénombrer plus d’arquebuses dressées, plus de cavaliers en parade. Les temps ont manifestement changé. Sous le ministre Richelieu, l’on eût vu, en pareille occasion, un déploiement de force prodigieux, des batteries d’archers, de gardes français disposés en tous coins, autant d’armes et de soldats que de peuple rassemblé.
Pour progresser vers l’échafaud, il faut descendre de cheval.
Toutes les têtes sont maintenant tournées vers l’estrade.
Don Juan de Tolède gravit les premières marches de l’escalier. Jour d’exécution, la foule est soit muette soit injurieuse. Aujourd’hui, elle écoute, elle regarde, elle se tait.
On lit la sentence, je m’approche toujours, suivi d’Hercule et de Margaux, quand une main vient me saisir le bras, je me retourne, la main à la garde de l’épée. C’est Bastoche.
— Je vous ai vu arriver, dit-il.
— Pardon, Bastoche, lui dis-je, mais nous devons trouver un homme. C’est le seul moyen d’espérer sauver don Juan de Tolède que tu peux voir en place sur l’échafaud.
— Laissez-moi vous aider, propose-t-il.
— Volontiers, dis-je. C’est Main-gauche, il doit être devant.
— L’ancien bras droit de Lanteaume, je le connais, et je l’ai vu, suivez-moi, je crois savoir où il se trouve.
Le messager
— C’est lui, dit Bastoche, en me désignant la silhouette d’un homme nous tournant le
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