Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
commençons.
Les chanteurs entament le second couplet quand débutent les premières prises de fer.
Est allé voir son page va seller
Mon coursier
Mon beau prince d’Orange où
Voulez-vous aller ?
Que maudite soit la guerre ! Où
Voulez-vous aller ?
Après les échauffements de convenance, les duellistes se débarrassent de leurs couvre-chefs, mais sournoisement Fabien Delormeprofite que don Juan veuille ôter sa cape pour tenter un coup de Jarnac.
L’aventurier l’évite de justesse, il enroule sa cape d’un tour de bras, et va en fouetter la face de son adversaire en avançant sur lui.
Les fers se frôlent, les attaques composées se succèdent, mais la patience est ajournée. Rapidement, les hommes se rentrent dedans. Ce ne sont plus des bretteurs qui se mesurent, mais des soldats se livrant au corps à corps, tous les coups sont permis.
— Bats-toi non plus avec ce que tu as, mais avec ce que tu es ! dit don Juan de Tolède
En effet, les armes sont tombées à terre. Les hommes s’affrontent à mains nues en frappant du poing, du coude, le genou part au ventre, le bras étrangle, le pied fauche l’assise.
Mit la main sur la bride le pied dans
L’étrier
Je partis sain et sauf et j’en revins
Blessé
Que maudite soit la guerre ! Et j’en
Revins blessé
Fabien Delorme parvient à se libérer, il reprend son souffle, le cou rougi, les côtes endolories. Don Juan de Tolède porte maintenant un pourpoint aux manches arrachées.
Impressionnés par la violence des coups portés, les musiciens ont cessé de jouer, les chanteurs font silence.
— Du vin ! demande Amadéor. Du vin ! Et que la musique reprenne !
On sert à boire.
Il fait chaud, le soleil tape. Les combattants enlèvent leur pourpoint, puis leur chemise. Les spectateurs peuvent comparer les cicatrices dont ces deux hommes sont couverts. Là, on voit qu’une balle est passée, là, une lame est entrée, le feu a brûlé, le fer a mordu.
C’est encore au dos de l’aventurier qu’apparaissent le plus de stigmates. Les marques laissées par le fouet recouvrent sa peau.
La soif étanchée, Fabien Delorme renvoie son arme à son adversaire et reprend la sienne.
— Avec ce que je suis, dis-tu ? Je suis un homme d’épée, comme toi, alors finissons-en par le fer.
Cette fois, en ce deuxième acte, Amadéor se montre sans pitié.
Son épée tournoie, puis se fend. Elle blesse, elle coupe, elle écorche l’adversaire de haut en bas. Celui-ci faiblit, fléchit. Le sang le couvre par filets. Il revient en lutte armée d’une main gauche. Don Juan est blessé à trois reprises. Aux bras et sur les côtés. C’est un combat acharné, qui semble ne jamais devoir finir.
De trois grands coups de lance
Qu’un Anglais m’a donnés
J’en ai un l’épaule et l’autre à mon
Côté
Que maudite soit la guerre !
L’autre à mon côté
Mais, bientôt, don Juan de Tolède prend nettement l’avantage. Il esquive les coups de taille, se dérobe à chaque fente, épuisant l’attaquant. Celui-ci n’est bientôt plus qu’une seule blessure ouverte. Son sang fuit de tous côtés. Il glisse, trébuche, se raccroche comme il peut, tente un dernier coup, mais, épuisé, renonce à tout espoir. Il s’adresse à don Juan, et lui dit :
— Achève-moi, avec cette épée que tu tiens, la mienne. Il y a un message gravé sur le fil, aujourd’hui, c’est à moi qu’il est destiné. J’aimerais que tu la portes jusqu’à la garde, au milieu du ventre.
Don Juan de Tolède obéit. Il porte le coup de grâce et Fabien Delorme meurt l’âme en paix.
Le beau prince d’Orange est mort
Et enterré
L’ai vu porter en terre par quatre
Cordeliers
Que maudite soit la guerre ! Par
Quatre cordeliers
Ainsi l’aventurier a vaincu ce mauvais présage. Ce n’est pas de ce côté que la mort allait venir. L’aventurier s’apprête àrejoindre son cheval, en déchirant des bandes d’étoffe à ses bras de chemise pour panser ses plaies, il me sourit. Il est heureux, il a vaincu, d’autres voyages l’attendent, d’autres aventures. Et cette journée est décidément magnifique. Nous allons partir, quand une jeune femme sort de cette roulotte contre laquelle je m’étais adossé.
Elle se dirige vers don Juan de Tolède, déjà remonté en selle et lui dit :
— Adieu, monsieur.
— Adieu, mademoiselle. Je vous reconnais, c’est vous que j’ai délivrée du bûcher, la jeune fille aux cheveux rouges. J’ai bien
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