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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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c’est que son cœur s’est remis à battre avec vigueur. Je sens les mouvements de son âme comme s’ils me traversaient. Elle était lointaine, indifférente aux joies de ce monde, mais la glace s’est brisée. Cette petite troupe qui passe sous ses yeux, en plein soleil, est une armée victorieuse. Elle a fait tomber les défenses de l’étrangère.
    — Ma parole, dit son suivant, vous avez bon œil pour y voir d’aussi près, à cette distance.
    — Je te le dis, Fortunio, nous sommes, cette femme et moi, en sympathie. C’est bien. Nous en savons assez. Le théâtre est donc son paradis perdu… Eh bien, soit ! L’information est bonne à prendre, elle servira nos plans. D’Artagnan, nous vous laissons bien à regret, mais nous avons rendez-vous et le jeu n’attend pas. Nous ferez-vous l’amitié de venir nous rejoindre ? Je ne sais si vous êtes heureux aux cartes… J’aurais mauvais cœur à dépouiller ce protecteur et ami grâce à qui nous n’aurons pas ce soir le déplaisir d’aller coucher à la Bastille ; mais faute d’être de la partie, je vous engage vivement à prendre place dans les gradins.
    — Pourquoi pas, dis-je.
    — Il y aura du beau monde. Le déplacement ne sera pas inutile.
    — Mais enfin, dit Fortunio… et Desdémone ? Vous ne voulez plus l’approcher ?
    — Il faut céder au temps .
    — Vous lâchez votre proie, voilà qui ne vous ressemble pas.
    — Mon intuition me parle. Je lui obéis. Nous la reverrons plus tard.
    — Mais où et quand ? questionne avec inquiétude le jeune parolier.
    — À l’hôtel de Bourgogne, c’est évident. Elle viendra.
    — Ainsi, nous irons au théâtre ?
    — Venir à Paris, s’exclame don Juan, et manquer d’entendre Le Cid , dans ma langue maternelle. Je ne me le pardonnerai jamais.
    L’homme ne se nourrit pas que de pain
    « Les cavaliers, poursuit d’Artagnan, me saluent et repartent dans leur direction. En face, le climat se dégrade. Décidément l’Italienne prend son temps.
    Cette immobilité n’a que trop duré. Je m’approche. Double raison : voir et entendre. Je suis en mission et mes pas m’ont dirigé malgré moi aux pieds de cette terrible empoisonneuse devenue l’agent d’une conspiration. Le rassemblement qui se fait autour de sa voiture va me permettre de passer inaperçu. Je n’ai qu’à me fondre dans le groupe. Les insultes commencent à pleuvoir. Rien n’excite davantage la curiosité des gens qu’un début de querelle. Les passants et les habitants ont tourné la tête de ce côté-là… Ils approchent de plus en plus nombreux. Oh, cependant, l’Italienne Desdémone se garde bien de répondre aux réprimandes lancées sur elle.
    Elle semble sourde à ces injures qui montent d’un degré. Elle vient de s’adresser au cocher… On croit que la route va enfin s’ouvrir, mais c’est un faux départ.
    La passagère n’a fait faire que quelques pas aux chevaux de sa voiture, pour pouvoir s’adresser aux comédiens de l’hôtel de Bourgogne.
    — Mais enfin, dit-on derrière elle, on se moque de nous !
    — C’est une honte !
    — Holà devant ! Tout riche que vous êtes, la rue n’est pas à vous !
    Je vois désormais avec précision le visage de cette femme qui ne tourne pas même la tête pour répondre à ces livreurs, à cette grossière engeance qui fait passer les vulgarités du commerce avant les grandeurs de l’art, ses attelages prosaïques sur les chemins de l’idéal. Il faut se rendre aux évidences, le don Juan a raison : cette femme est d’une beauté admirable ; sa peau est intacte, ses mains,fines, longues et presque transparentes, couvertes de bagues, ont une dignité toute princière ; ses traits sont purs et ciselés, comme taillés au ciseau dans le marbre rose ; sa voix est un chant. Toute l’Italie, que je ne connais que trop peu, est dans ce visage, dans cette femme si élégante et si sensuelle.
    Elle offre son compliment à ces messieurs les comédiens, pour avoir choisi de jouer une si belle pièce. On peut compter sur sa présence. Aussi demande-t-elle qu’on lui réserve la meilleure place dans la galerie. Elle va jusqu’à céder l’un de ses bijoux à monsieur Bellerose qui s’incline jusqu’à terre avant de recevoir sa main à baiser.
    La voiture va donc repartir dans un instant. Mais ne sachant point que la voie va être enfin libre, les impatients, à bout, sortent de leurs gonds. Le représentant de cette délégation en colère ne craint plus de

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