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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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poulain sous surveillance. Il arrive tout juste à Paris et le voilà déjà décoré. Ce succès trop rapide va lui faire perdre la tête. Avant de le laisser au monde, je veux l’habituer aux coups et le préparer à parer les revers.
    L’occasion est trop belle. Le novice veut saisir cette perche :
    — Voici la devise de mon maître, répond-il en se découvrant : À vaincre sans périls, on triomphe sans gloire .
    — Ainsi, tu connais la pièce ? s’étonne la comédienne avec admiration.
    L’effet a porté.
    — Sur le bout des doigts, répond le gentilhomme à la place de son page.
    — Vraiment ? demande la jeune femme.
    — Je pourrais la jouer, affirme Hercule.
    — Viens d’abord nous entendre, dit en riant la comédienne.
    — On ne brille pas sur les planches du jour au lendemain, s’exclame l’un des membres de la troupe. L’apprentissage de la comédie est un art, celui de la tragédie un sacerdoce.
    Edmond de Villefranche approuve la remarque :
    — Vous voilà prévenu, mon ami.
    Il montre le cheval d’Hercule, et dit encore :
    — Ses sacoches sont pleines de livres : Homère, Virgile, Pétrarque, Aristote, Plaute, Corneille et Lucrèce, hélas… – je tente vainement de le proscrire – donnent plus de poids à son équipage que l’armement d’un mousquetaire en campagne. Depuis notre départ, il me récite des vers une fleur à la bouche et la main surle cœur… un oiseau sur sa branche au matin du printemps. En vérité, il ignore le temps et les forces qu’il faut investir pour faire d’un don un métier, d’un plaisir une vocation. D’ailleurs, il ne pourra toujours se divertir, je le destine à porter les armes.
    Le page se révolte.
    — J’ai pourtant entendu parler de maîtres en Angleterre qui ont servi sous les drapeaux avant d’honorer les muses. Le chant du canon n’étouffe pas toujours la voix du poète.
    — Bah, conclut le gentilhomme, la vie se chargera bien vite de dissiper vos illusions.
    La troupe des comédiens doit repartir. La jeune femme donne rendez-vous :
    — La représentation est annoncée pour trois heures. Venez à cinq, messieurs. Les Parisiens ne s’y trompent pas. Ils laissent la province attendre au pas de la porte.
    Ces mots dits, elle nous adresse une révérence, envoie un dernier baiser de la main à son idole du jour, et disparaît ainsi qu’elle est venue, en jouant des hanches, dans un tourbillon de lumière.
    Le page garde la tête tournée dans la direction qu’a empruntée la compagnie vagabonde. Il semble tendre l’oreille pour recueillir encore quelques notes de musique.
    — Remettez-vous, Hercule, lui dit le gentilhomme. La femme est belle, mais vous en verrez d’autres.
    — J’espère surtout la revoir ce soir, répond le page en fixant toujours cette ligne d’horizon où la troupe a disparu. Puis, revenant à son maître : Vous avez entendu, l’hôtel de Bourgogne, pour cinq heures, Le Cid … Nous arrivons à point nommé. Vous viendrez également monsieur, n’est-ce pas ? me demande-t-il. Mais au fait, nous ignorons encore votre nom…
    — D’Artagnan, dis-je.
    — Ma foi, dit le gentilhomme, nos affaires peuvent attendre demain.
    Ce monsieur de Villefranche a la courtoisie de m’informer :
    — Je suis venu à Paris pour être reçu en audience par monsieur le cardinal de Mazarin. Je crois qu’il vaut mieux se présenter au Louvre le matin, de bonne heure de préférence.
    Puis, vers son page, il poursuit.
    — Il faut encore que nous trouvions un toit où dormir. Nos deniers sont comptés.
    Je m’offre de conduire ces messieurs sous l’enseigne du Soleil d’or , honnête auberge ayant bonne table et bon gîte, rue de l’Homme-Armé. On accepte de me suivre.
    Le gentilhomme ne cache pas son dépit :
    — Je vous le dis tout net, Hercule, un cadeau de cette valeur ne se refuse pas.
    — De quoi parlez-vous ? demande innocemment le jeune homme.
    — Diable, de la bague. Celle de l’Italienne. Je nous en aurais tiré un bon prix.
    Certes, le gentilhomme Edmond de Villefranche est vêtu avec un goût certain. Cependant, en regardant mieux son vêtement immaculé, on devine le soin apporté aux brossages quotidiens, pour ne point laisser paraître les premiers signes d’usure. L’indigence semble menacer ce noble visiteur qui pourrait avoir vendu ses chiens pour avoir du pain . Le velours ne brille plus comme au premier jour, la feutrine du couvre-chef ne date pas d’hier. L’impeccable gentilhomme, du

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