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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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frondeuse, protégée de Lanteaume. L’observer, elle, c’est aussi l’étudier, lui. Je passe donc en revue, dans ma tête, l’ensemble de ces conversations que j’ai tenues. Je suis absorbé dans mes pensées, et j’oublie de regarder devant moi. Au croisement d’une rue, je heurte ainsi et presque de plein fouet un cavalier à pied, tenant sa monture par la bride.
    Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche, de prononcer des excuses que face à moi, une épée hors du fourreau se tient prête à m’ouvrir la gorge sans autre forme de procès. Le réveil est soudain, brutal. N’étant point accoutumé à voir se tendre vers mon cou une pointe acérée sans présenter la mienne en retour, je retrouve mes esprits en faisant aussitôt un pas de retrait… le fer à la main. Nos lames sont en vis-à-vis. Elles n’attendent qu’un ordre de la pensée pour passer à l’offensive.
    Moment dramatique. On se jauge par les yeux avant de s’exposer davantage. Quelles sont les intentions de l’autre ?
    — Eh bien, monsieur, dis-je, vous voilà bien sur vos gardes !
    — Les rues de Paris sont réputées dangereuses.
    — La nuit surtout, loin des rondes et des lampes, je vous le confirme, certains viviers grouillent d’activité.
    — J’entends… Si l’ombre est peuplée, je préviens la sûreté en me méfiant tout autant de ce qui peut jaillir à la débauchée, en plein midi.
    Les lames restent en position.
    J’entame mon investigation
    — Ainsi, vous n’êtes point de la Ville ?
    — Non, monsieur, je découvre. Et les pierres et l’habitant.
    — J’ose espérer que les uns et les autres vous font bon accueil.
    — Les murs sont bien défendus et les indigènes se montrent prévenants, peut-être un peu pressés et légèrement curieux.
    L’homme finit par baisser son épée, lentement, avant de la ranger à sa ceinture.
    Je dois faire de même.
    Mon interlocuteur reprend la parole :
    — Cependant, je cherche encore à découvrir les beautés cachées de la capitale, ses fleurs et ses jardins…
    — Oui… ?
    — Ses hôtelières et ses filles de joie. Puisque nous engageons un début de conversation, en toute simplicité, me ferez-vous l’amitié de me conseiller un relais de votre choix ?
    — Hélas, monsieur, vous êtes mal tombé.
    — C’est plutôt vous qui êtes tombé sur moi, sauf votre respect, me rétorque-t-il.
    — Au vrai, monsieur, au vrai, et d’ailleurs, les choses ont débuté sur un mauvais pied et je vous dois bien des excuses. Car tout est de ma faute. J’avais le nez en l’air.
    — Ne vous excusez pas. Ce rentre-dedans m’a permis d’échanger quelques mots avec un homme des plus civils et fort honnête, j’en jurerais.
    — Serviteur, monsieur, serviteur. J’ose croire que vous êtes également gentilhomme, puisque vous portez l’épée.
    — Diable, parlerais-je au lieutenant criminel de cette bonne ville de Paris ?
    — Non, monsieur, non, pardonnez mes questions. Elles sont trop franches et trop spontanées, je le crains.
    — Eh bien, à tout dire, en ce qui concerne cette épée, il m’est arrivé d’en faire commerce, je ne le cache pas.
    — Diable, décidément, vous piquez ma curiosité, pour quel emploi ?
    — Celui d’un homme de troupe, puis d’un meneur de régiment. J’ai servi quelques armées, de Flandres et d’ailleurs… avant de reprendre ma liberté. J’ai gardé cette escorte en souvenir, dit-ilen montrant le fil de sa rapière. Et puis, enfin, comme je le disais, nul n’est à l’abri d’une mauvaise rencontre.
    — C’est en effet une belle arme que vous avez là. Je me flatte d’être un peu connaisseur. Quand vous l’exposiez à la lumière, je crus apercevoir, au creuset de la gouttière, une inscription gravée… la signature d’un maître ? Une devise, peut-être ? Un cri de guerre ?
    — Vous avez l’œil d’un aigle, monsieur. D’ordinaire, celui qui peut admirer la qualité de cette lame, en effet finement forgée, n’a guère le loisir de déchiffrer la sentence.
    — Ainsi, c’en est une ?
    — Une prière, un salut. Un hommage rendu au vaincu. Va en paix.
    — Je vous demande pardon ?
    L’homme me désigne la lame de sa rapière, et m’explique :
    — Va en paix , en pénétrant le siège de l’âme, ces trois mots-là l’aideront à gagner les portes du Ciel sans rancune, libre et légère.
    — Délicate attention.
    — Bien, cher monsieur, si vous ne pouvez m’indiquer une bonne adresse où

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