Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
est à moi est à vous. Il ne sera pas dit que j’ai laissé mes amis à la porte d’un théâtre. Le soir du Cid , qui plus est.
— Vos amis… vous nous honorez ! s’exclame avec chaleur l’aventurier. Cela dit, gardez votre argent. Je suis dans une impasse, mais je trouverai la sortie. Allons, pressons le pas ! Voici l’aubergiste ! »
Explications
— Mais, demande le roi, une lueur dans les yeux, cette bourse, celle que don Juan a prise de force, que contenait-elle ?
— Des galets, Votre Majesté, des galets. La bourse fermée, on était aussitôt rassuré par son poids, sa grosseur, et son bruit de grelots. La frondeuse avait risqué que l’on démasque sa supercherie, mais ce risque donnait certainement du piment à l’opération. Ce mauvais choix que fit don Juan pouvait donc avoir un double sens. D’une part, le baiser semblait s’offrir et il eût mieux valu choisir cette récompense… Certes, notre séducteur préférait sans doute retarder l’échéance… D’autre part, la frondeuse avait deux bourses. L’une était bien remplie d’or et d’argent : celle du barbon, mais l’autre, comme nous venons de le dire, ne contenait que des cailloux tout juste bon à faire des ricochets le long de la Seine.
— Don Juan, demande le roi, aurait-il rencontré son maître ? Et son maître serait-il une maîtresse ?
— Nous le verrons plus tard, Votre Majesté, pour aujourd’hui, il est temps d’en rester là. Je vous sais impatient de rentrer dedans l’hôtel de Bourgogne où tant de surprises nous attendent encore, mais les journées n’ont que vingt-quatre heures et pardieu, si le Créateur en décida ainsi, c’est qu’il n’en faut pas moins et pas davantage.
Après avoir salué son roi, le chevalier se retire.
En vérité, lui aussi n’attend qu’une chose : reprendre la parole.
Chapitre sept
Rodrigue, as-tu du cœur ?
Scandale à la porte de l’hôtel de Bourgogne
Avançons. Il faut se hâter.
La pièce va bientôt commencer.
Il serait fâcheux de manquer le début.
Passons d’un trait du jour au lendemain, retrouvons le chevalier d’Artagnan et le jeune roi Louis XIV dans cette chambre de retraite où les heures semblent courir plus vite qu’ailleurs.
Le jour est levé, mais c’est un jour sans lumière, gris et pâle, aussi les chandelles brûlent dans la pièce. Le mousquetaire a bien dormi, il a les idées claires, son royal auditeur, lui, est debout depuis l’aurore, il a déjà pris place. Après quelques échanges de politesses, l’enfant presse son narrateur, il veut rejoindre la foule qui patiente devant la porte de l’hôtel de Bourgogne en profitant de ces privilèges qui sont les siens, pour être le premier à rentrer dans la cour. Mais d’Artagnan doit inviter son roi à prendre patience.
— Il ne s’agit pas de se faire remarquer, chuchote le chevalier à son jeune complice, n’oubliez pas Sire, que nous sommes en mission secrète.
Imparable argument.
Aussi d’Artagnan revient à la Taverne de la tour d’Auvergne et reprend très exactement le cours du récit là où il l’avait interrompu :
« Don Juan de Tolède et Fortunio m’ont devancé. Ils sont allés reprendre leurs chevaux en toute hâte, avant que l’aubergistene réagisse, et cherche à les confisquer en guise de dédommagement.
Je les retrouve quelques pas plus loin.
— Courez devant, dis-je, je suis moins pressé, et j’aime marcher.
Je vais donc à mon allure et j’arrive après ces cavaliers devant la porte de l’hôtel de Bourgogne. L’entrée de la cour est bien encombrée. On est venu par tous moyens et selon ses ressources. Les bourgeois descendent des chaises à porteurs, la petite noblesse de ses chevaux, la grande de ses carrosses aux larges roues. Enfin, plus sommairement, le peuple, ne pouvant descendre plus bas, vient à pied.
Certains nobles se saluent de loin, avec des génuflexions, des signes de tête. On sourit par-devant à ces faux amis, mais dès que l’autre n’est plus à portée de regard, on laisse courir sa verve, entouré de sa petite cour, pour rire de ce fâcheux, décidément passé de mode… De ce cocu qui ne voit pas ses cornes… C’est Paris.
Dans cette faune agglutinée variant les couleurs et les rangs, quelques travailleurs se sont faufilés. Au milieu de ces animaux à plumes qui ne les remarquent pas, des couleuvres et des vipères glissent entre les herbes folles. Ils évitent les feux des lanternes et
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