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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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forcer la main ? demande Edmond, choqué par cette façon de faire, qui correspond si mal à ses principes.
    — C’est bien, dit Hercule résigné à l’intention d’Edmond de Villefranche, j’obéis à votre conseil.
    — Mauvais choix, dit don Juan en reprenant ces paroles que la jeune frondeuse lui destina.
    Une épée se dresse pour qu’une voix s’élève
    Pendant ce temps, au parterre comme aux galeries, on continue de s’indigner. Les spectateurs du bas déçus ou heureux de faire du tapage avec raison sifflent la compagnie, crient au scandale,exigent un remboursement. En haut, sur les côtés, les spectateurs du beau monde s’apprêtent à quitter l’hôtel de Bourgogne pour n’y plus jamais remettre les pieds.
    Pour parer à ce chaos, la troupe des farceurs entre en scène. Mais ils ne sont plus désirés. Le Cid ! Le Cid ! répète le parterre par cent voix. Corneille ne fut jamais aussi attendu qu’après avoir été barré du programme.
    Un annonceur vient se placer devant les farceurs refoulés et propose une autre tragédie au répertoire de la compagnie, mais, là encore, le public ne veut rien entendre.
    Hercule revient aussi abattu qu’il était parti bouillant et décidé.
    — Il n’y a rien à faire, dit-il à son maître. Ces messieurs refusent de prendre un tel risque : celui de discréditer la troupe entière. Mieux vaut une annulation, une mauvaise publicité, que de se faire appeler azor … La compagnie ne pourrait souffrir un tel ridicule. Chimène est pour moi, avec deux ou trois, mais cela n’y suffit pas.
    — C’est que nous allons voir. Si vous permettez, faisons donc les choses à ma manière, dit don Juan et sans attendre de réponse, il grimpe sur la scène.
    On s’apprête à chasser cet intrus, mais le défenseur a mis flamberge au vent et menace de pourfendre qui ose l’approcher. Son intervention jette un nouveau trouble.
    En haut, ceux qui s’apprêtaient à quitter la galerie s’immobilisent, intrigués. En bas, c’est tout le contraire. On veut marcher derrière ce volontaire, monter en force, prendre possession du théâtre après lui et mettre les comédiens à la porte, avec perte et fracas. Don Juan, qui vient de renvoyer aux loges la garde des propriétaires, doit faire volte-face et repousser les envahisseurs. Ces derniers voient bien vite qu’il veut les planches pour lui seul. Cela ne plaît guère, quelques malandrins trouvent là une occasion en or de tirer l’épée. L’aventurier doit agir avec rapidité et fermeté s’il ne veut pas être submergé. Nous pourrions, Edmond de Villefranche et moi-même, lui porter secours, mais cependant il n’est pas question de livrer bataille, il faut, comme auparavant, quand Hercule décida d’intervenir en faveur de l’Italienne, agir pour ramener la concorde.
    Don Juan de Tolède a rangé son épée, il vient de saisir l’un de ces longs bâtons qui sert à éteindre les chandelles. D’un seulgeste, il fait ployer la première ligne des assaillants. On recule, il en profite pour prendre la parole :
    — Qui veut encore entendre Le Cid ?
    La question ramène un début de silence.
    On finit par lui répondre en chœur : toute la salle veut voir la pièce.
    Après avoir gagné le centre, étouffé les colères, joyeuses ou mauvaises, l’aventurier obtient l’attention de l’auditorium :
    — Il y a ici, en bas, parmi vous, un jeune homme de province. Il n’a pas de nom, il n’a pas de référence, mais tout le reste, tout ce qui compte : le talent, la jeunesse, la valeur, la connaissance de son rôle, il le possède. La réalité rejoint la fiction. Rappelez-vous… Les Maures vont débarquer, ils sont une armée, une flotte, des milliers. Le péril approche et l’Espagne, prise de court, ne peut rassembler qu’une poignée d’hommes… Hélas, nul n’est assez grand pour prendre la tête et mener à la mort ce groupe de soldats. Don Rodrigue, qui n’a qu’un duel à son actif, va saisir ce flambeau que personne n’ose relever. La suite, il ne tient qu’à vous de la connaître ou de la voir revivre sous vos yeux…
    Don Juan pose son bâton et tend la main au jeune Hercule.
    Celui-ci n’attend plus, il monte sur la scène.
    Cette fois, le silence est complet.
    L’aventurier le présente :
    — Voulez-vous voir de quelle étoffe est fait ce jeune inconnu ?
    Les encouragements qui suivent sont si unanimes au parterre que monsieur Bellerose, mis au pied du mur, doit céder. Le public a

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