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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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ici, dis-je, que l’os du crâne montre une fragilité. C’est le défaut à la cuirasse, un creux fort mince, mais suffisamment large pour qu’une lame d’épée, tirant d’estoc et visant juste, puisse entrer tout à fond, jusqu’à traverser le cervelet. Un coup fatal. Mais revenons à nos protagonistes :
     
    « — Mademoiselle, dit don Juan en s’approchant de la frondeuse, je viens pour l’encaissement.
    L’interpellée reste digne face à l’aventurier. Elle soutient son regard, puis quand il s’apprête à lui prendre le bras, elle se détourne et revient à la table des joueurs où repose le butin, abandonné sans surveillance. Nul n’aurait osé y laisser traîner autre chose que ses yeux. On voit trop bien que ces deux-là ont pour habitude de manier les armes. La voleuse rend la moitié des gains à ce partenaire changé en adversaire. Cette chose faite, elle accroche à sa ceinture cette première bourse, celle avec laquelle elle est venue offrir un marché, et qui doit – ironie suprême – contenir la somme dérobée le matin même au passager du carrosse, au grand perdant de cette journée ; enfin, elle n’oublie pas de récupérer ce supplément enlevé en partie par la ruse et les dés pipés, puis la chance et l’audace.
    Cela fait, la frondeuse se dirige vers notre malheureux cardinal mis en pièces, pour retirer son couteau de ce point vulnérable où don Juan, moins ivre qu’on l’eût cru, vint chercher la victoire.
    — Pardonnez-moi, dit l’aventurier derrière elle, mais il manque la moitié.
    La frondeuse prend son couteau et le garde dans sa main.
    Elle répond de dos :
    — Vous vous êtes engagé à vous contenter de votre part des prises et à me laisser la mienne. J’ai des témoins.
    — Loin de moi l’idée de revenir sur ma parole. Mais, sans offense, si le compte est bon, il vous reste une dette… le véritable prix de mon triomphe. Ce baiser.
    La voleuse se retourne enfin.
    — Jamais de la vie.
    L’aventurier fait quelques pas vers elle, en se rapprochant également d’une rangée d’auditeurs.
    — C’est injuste, dit-il, moi aussi j’ai des témoins. Ce sont les mêmes que les vôtres. Mais s’ils vous gênent, nous pourrons leur demander de nous laisser seule à seul, le temps d’honorer vos obligations.
    Don Juan s’approche encore, au plus près de la jeune femme. Cette fois, il ne titube plus.
    — Écartez-vous, lui dit-elle en pointant sa dague, ou je vous tranche la gorge.
    — Vous êtes mauvaise perdante. Cela va se savoir. C’est idiot, dit-il en lui touchant le menton, on se dira que cette bouche, toute adorable qu’elle soit, n’est jamais que traîtresse et menteuse.
    — Ôtez votre main. Vous sentez le vin comme un tonneau.
    — On a vu des fûts plus grossiers.
    — Reculez.
    — Allons ! Je ne vais pas vous voler votre âme…
    L’aventurier saisit ce poignet qui tient la dague. La belle va aussitôt tenter de libérer, de l’autre main, l’un de ses pistolets. Nouvelle empoignade…
    Don Juan finit par obliger la frondeuse à lâcher son poignard, tombé à terre. L’aventurier le pousse du pied. Il s’écarte et libère sa prisonnière. Celle-ci en profite pour sortir l’un de ses canons.
    Pendant ce temps, don Juan de Tolède a tendu la main pour saisir la garde de sa rapière dont le baudrier est suspendu au dossier d’une chaise voisine.
    La frondeuse arme le chien. Elle semble résolue.
    Mais quand le canon se relève et va viser juste, don Juan a déjà porté l’épée, un coup de pointe posé avec retenu, une piqûre sur le dos de la main qui oblige son adversaire à ouvrir les doigts.
    La frondeuse est de nouveau désarmée.
    Cette fois, elle choisit de se battre à armes égales.
    Elle se dirige vers l’un des spectateurs, un gentilhomme.
    — Monsieur, demande-t-elle avec calme, puis-je vous emprunter votre estoc ? C’est l’affaire d’un instant.
    — Mais bien volontiers, répond celui-ci, en offrant sa lame.
    On s’écarte. Les rangées s’arrondissent, brisent le carré pour former un cercle, au centre duquel les belligérants se tiennent en face à face. L’aubergiste ne peut décidément pas rester en paix. La guerre est bien entrée sous son toit. Pour l’heure, c’est un bras de fer, mais bientôt, qui sait, chacun pourrait s’y mettre et se jeter dans la mêlée, en renversant les tables, en brisant les carreaux de ses fenêtres. Sa bonne réputation risque fort d’en souffrir, il ne faut

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