Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
n’avait plus qu’à l’accompagner dans l’oubli ou la tombe.
Or, un miracle se produisit. Desdémone en fut l’instigatrice. Elle n’agit pas en propre, mais en employant un tireur d’élite.
Alors qu’il goûtait par avance à son triomphe, le comte de Soissons prit une balle en plein front. Cette balle qui fit tomber la tête mit un point final à la révolte. L’armée royale reprit le dessus,et les amis de l’ennemi espagnol s’éparpillèrent à tous vents. Richelieu qui sentit venir sa fin – il était en effet sur le point de tirer sa révérence – put mourir en paix, quelques mois plus tard, sans avoir senti la terre s’ouvrir sous ses pieds, sans voir s’écrouler, de son vivant, toute l’œuvre de sa vie. Bref, favorisé à l’heure juste, sauvé in extremis, Mazarin pouvait saluer par deux fois sa bonne étoile, elle ne lui avait point fait défaut. Cette étoile, comme la main de Dieu, était demeurée dans l’ombre, du moins jusqu’à ce qu’elle décide de se révéler en plein jour.
L’empoisonneuse empoisonnée
« La confession de l’empoisonneuse n’est pas terminée, dit d’Artagnan, il reste une dernière étape.
“Après m’avoir employée, le Conseil des Dix veut donc en finir avec moi. Ma tête est mise à prix. J’avais une protection, les Grands de France qui intriguent pour te mettre à mort l’ont écartée. Ils ont ainsi la main libre pour me manœuvrer. Du moins le pensent-ils. Mais en vérité, on ne peut plus rien pour moi, ni contre moi. Je vais mourir. Dans les prochains jours ou peut-être les prochaines heures. J’ai reçu il y a peu la lettre suivante, je te la récite de mémoire, chaque mot est resté gravé dans mon esprit… Celui qui vit par le mal mourra par le mal. Madame, vos heures sont comptées. Vous avez bu, sans le savoir, il y a peu, un poison qui va patienter deux mois avant de se déclarer. Vous allez vivre, et puis soudain, à une heure précise, à l’instant fatal où l’évolution du filtre sera parvenue à maturité, vous tomberez pour ne plus jamais vous relever. J’ai cru bon de vous informer, afin que vous puissiez savourer pleinement ces derniers instants.
Hélas, je crains que cette prédiction ne soit que trop vraie. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, la chose, un poison si lent, puis si soudain, est réalisable. Je le sais, pour en avoir usé.
Évidemment, mon bourreau n’a pas daigné se présenter. Il me laisse un répit, mais il me cache son visage. Je dois vivre mes derniers moments du mieux que je peux.
Au fond, cette condamnation est une délivrance.
Depuis des années, je vivais sous l’emprise de la terreur. Un avertissement qu’un visionnaire me révéla alors que j’exerçais déjàmes nouvelles fonctions pesait au-dessus de ma tête comme une épée de Damoclès : Celui qui t’aime te tuera. Je ne pouvais m’attacher à quiconque de peur d’être à nouveau trahie… Cela m’épouvantait plus encore que l’idée de disparaître. Mon cœur ne cessa pas pour autant de battre. Je suis italienne, et si je hais parfois, j’aime souvent. Hantée par cette fin, par cette menace, et ne voulant plus sentir le couteau s’enfoncer encore dans mon cœur, je résolus de tuer tôt ou tard tous les amants que je pris. Pas un ne survécut.
Et aujourd’hui, je dois m’en aller à mon tour. Je paye ma dette.
Le véritable motif de mon exil n’est pas la fuite. Ce noir cavalier qui demeure en moi, et qui n’attend qu’un ordre de son maître pour lever la main et m’arracher le souffle, cet agent des ténèbres, rien ne pourra l’empêcher d’accomplir son but, où que j’aille, il me suivra. Il veille à côté de mon âme. Voici, mon ami , les raisons de ma présence à Paris : vous revoir une dernière fois, vous ressusciter mon passé, en partant, je me décharge de ce fardeau sur vos épaules, et enfin… voici ma dernière volonté : je souhaite vous voir veiller de loin sur notre enfant. J’avais perdu sa trace, mais je l’ai retrouvée. Ne la cherchez pas encore, l’heure n’est pas venue. Vous n’apprendrez son nom, sa position et sa situation qu’après ma mort. Je vous réserve un courrier qui vous expliquera tout. Je tiens à ce que vous considériez votre entourage d’un nouveau regard. Car cette jeune femme n’est pas loin, elle vit à Paris… Qui sait, en la cherchant avec votre cœur, vous finirez peut-être par la trouver ; voilà à quoi se résume en
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