Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
polygamie…
    Don Juan, une longue minute, demeura immobile, pétrifié… puis M me  Grégoire le vit qui levait les yeux au ciel, elle vit son visage se contracter comme lorsqu’on retient à grand’peine une crise de larmes, puis brusquement elle le vit se détourner, comme n’en pouvant plus, et tandis qu’il montait l’escalier, elle vit ses épaules toutes secouées…
    – Pauvre jeune seigneur ! murmura-t-elle. Comme cette nouvelle lui fait mal ! Il sanglote, par ma foi, il sanglote au point qu’on pourrait le croire pris de fou rire…
    Secoué par cette crise de sanglots qui, d’après la bonne M me  Grégoire, ressemblait si fort à un fou rire, don Juan se disait :
    – Jacquemin polygame !… Cela devait être !… C’était marqué au livre du Destin !… Il fallait que cela fût !…
    Quand il fut calmé, don Juan se coucha, et ne tarda pas à s’endormir. Il s’éveilla un peu après midi, s’habilla avec le soin méticuleux qu’il mettait toujours à cette importante opération, dîna de fort bon appétit, et sortit de l’auberge en assurant M. et M me  Grégoire qu’il se rendait au Louvre pour demander au roi la grâce de Jacquemin Corentin, grâce qu’il était sûr d’obtenir, car le roi François le tenait en haute estime et n’avait rien à lui refuser.
    – C’est un bien grand seigneur, dit M me  Grégoire lorsque don Juan fut sorti.
    – Oui, fit M. Grégoire, et il est l’ami intime de Sa Majesté le roi…
    – Et il est riche à ne savoir que faire de son or.
    – Oui, Et c’est pourquoi, madame Grégoire, il faut faire crédit à ce gentilhomme, et ne jamais lui présenter la note de ses dépenses.
    Don Juan donna quelques minutes de regret sincère à Jacquemin Corentin.
    – Il sera pendu, se disait-il. Pauvre diable ! C’est fort ennuyeux pour moi, car où vais-je maintenant trouver un valet qui comme lui me soit dévoué corps et âme ? Allons, n’y pensons plus, ce serait du temps perdu. Puis-je, en ce moment, entreprendre quoi que ce soit pour éviter la mort à cet animal ? Non. Mes regrets ne lui apporteront donc nul soulagement. Donc, il est inutile que je me donne de vaines émotions à penser à ce bon Jacquemin. C’est un aveuglant syllogisme, comme eût dit Fra Domenico qui m’enseigna la logique…
    Tout en ratiocinant, tout en cheminant, alerte, gracieux, vraiment joli à voir, tout en se livrant à une attentive et sérieuse étude des silhouettes féminines rencontrées, cherchant avidement l’émotion de la beauté entrevue, don Juan avait atteint la rue du Temple. Ce fut en cette rue, dans le renfoncement de la porte de l’hôtel de Runes, qu’il vit la ribaude.
     
    Elle se tenait effrontément accotée à un coin du noble portail.
    Et c’était d’ailleurs à elle une dangereuse effronterie que d’oser se montrer à ce moment du jour, car les règlements étaient sévères, et ces filles ne pouvaient sortir de leur trou qu’à des heures fixées.
    Malheureusement pour elle et heureusement pour la morale outragée, ce détour de la rue du Temple était désert, ou presque.
    Don Juan la vit, et demeura frappé d’admiration.
    La ribaude pouvait avoir seize ans. Elle était maigre, il est vrai, et très pâle, avec seulement sur les pommettes des joues deux cercles d’un rouge vif, tels que les dessine la fièvre. Mais qu’elle était jolie et gracieuse ! Dans ses grands yeux craintifs, un peu hagards comme ceux d’un animal battu qui s’étonne que tant de méchanceté soit au monde, rayonnait doucement la suave innocence des vierges. La masse blonde de ses cheveux faisait à son front une lourde auréole. La ligne harmonieuse de son corps frêle et souple semblait posséder le charme de quelque sinueuse tige de fleur, et elle portait avec une instinctive et naturelle élégance la robe spéciale, la robe à ceinture dorée qui désignait ses pareilles aux propositions, aux insultes, au rire épais des hommes et à l’exécration des bourgeoises bien et solidement pourvues de tout ce qu’il faut pour exécrer en conscience.
    Don Juan s’approcha de la serve, d’un air de maître, et des pensées de bête se levèrent en lui. Elle était jolie, cette serve ! L’emporter comme une pauvre chose qu’il allait acheter et payer, ce lui serait un repos à ses nobles amours. Une ribaude ? se dit-il. Pourquoi pas, puisqu’elle me plaît ?… Mais comme il s’arrêtait près de la fille de joie, elle fut

Weitere Kostenlose Bücher