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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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légèrement, sauta à terre. De la fonte de sa selle, elle tira un flacon qui contenait un baume, et des bandes de linge, objets qui faisaient partie du portemanteau de toute noble dame.
    – Ne pleurez pas, dit-elle, allons soigner votre mère…
    Bel-Argent la considéra une seconde. Peut-être tant de promptitude à la compassion active lui inspira-t-elle quelque remords. Au fond, ce n’était pas un méchant homme. C’était un de ces pauvres hères qui gagnaient leur vie moyennant les plus bizarres besognes. Son hésitation dura peu.
    – Quoi ! s’écria-t-il, vous daigneriez consentir…
    – Ne perdons pas de temps… montrez-moi le chemin…
    – Laissez-moi au moins attacher votre cheval à cet anneau…
    – Non, non. Reno est habitué. Il ne bougera pas. Vite, allons à votre mère…
    – Venez donc, et que la Vierge vous bénisse !
    Bel-Argent ouvrit la porte de la maison et s’effaça pour laisser passer Léonor.
    Elle entra.
    – Eh bien ? dit-elle. Où est votre mère ?
    Elle se retourna et vit que la porte était fermée. L’homme n’était pas là… elle comprit le piège !
    D’un rapide regard, elle inspecta cette salle délabrée au fond de laquelle se trouvait une vaste cheminée flanquée de deux portes : l’une d’elles s’ouvrit…
    Don Juan parut.
    Léonor pâlit un peu, sa lèvre frémit, mais aussitôt elle reprit son sang-froid et fut impassible.
    Grâce à quelque étrange et obscur phénomène d’âme, cette haine que lui avait d’abord inspirée Juan Tenorio s’était abolie. Et elle ne le craignait pas plus qu’elle ne le haïssait. Ni peur ni haine. Son état d’esprit était d’une simplicité étonnante ; c’était, en fait, l’absence de tout sentiment à l’égard de don Juan. En vérité, Juan Tenorio, pour elle, était : Néant… Il n’existait pas. Ou du moins, elle se situait à une si prodigieuse distance de lui qu’il pouvait être considéré comme inexistant pour elle…
    Cette distance, au bout du compte, est tout simplement celle qui sépare un cœur vivant d’un cœur putréfié.
    Qu’est-ce que don Juan pour Léonor ?
    Léonor, c’est la loyauté. Don Juan, c’est le mensonge.
    Que peut-il y avoir de commun ? Le mensonge ignore la loyauté et en est ignoré. Aucun point de contact possible…
    Léonor, en voyant s’avancer sur elle Juan Tenorio, n’éprouva donc que la rapide émotion qu’on a toujours, si brave soit-on, devant la possibilité d’un danger immédiat.
    Juan Tenorio lui fit la plus gracieuse, la plus touchante révérence qui se pût voir. Il était passé maître en l’art de saluer une femme. Cette fois, sa salutation fut passionnée, elle fut à elle seule une déclaration d’amour exalté, elle fut presque un agenouillement. Et, s’il ne s’agenouilla pas tout à fait, ce fut simplement qu’il avait à parler, et il avait déjà éprouvé combien l’agenouillement est une posture difficile quand il s’agit de faire un discours… Et il parla.
    Sa voix chantait. Il avait de ces accents de captivante harmonie auxquels les femmes ne résistent guère – nous entendons celles dont le sentiment est à fleur de nerfs…, à fleur de peau. Et il disait :
    – Soyez rassurée, Léonor. Je jure Dieu qui m’entend et me juge, oui, je jure que vous êtes en sûreté ici, près de moi, autant que si votre mère sortie du tombeau fût venue assister à cet entretien. Quand j’aurai fini de parler, vous serez libre de partir. Mais je dois parler. J’ai voulu vous parler. La volonté de Juan Tenorio, vous ne la connaissez pas, vous apprendrez à la connaître… et aussi sa patience… et aussi… son amour…
    Sa voix se brisa : il venait d’entrer dans la sincérité !
    Venu pour débiter une harangue longuement méditée, préparée mot par mot, étudiée devant la glace pour les gestes, maintes fois récitée pour les intonations, répétée même à diverses reprises devant des servantes, des maritornes quelconques, oui, quand il eut prononcé le mot amour, don Juan, de plain-pied, entra dans la sincérité. Son discours, il l’oublia. Les gestes appris, les savantes intonations, tout ce fatras s’évanouit. Il ne fut plus qu’un amoureux, un pauvre amoureux emporté au tourbillon des sentiments qui prirent son cœur et le firent danser, valser, virevolter, comme les vents d’orage font danser une fleur, une feuille.
    – J’ai voulu vous parler. Et vous n’avez pas voulu m’entendre.

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