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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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épouses ?
    – Moi ! Mais, monsieur, jamais je ne me marie !
    – En es-tu bien sûr ? fit don Juan.
    Et son rire fantastique éclata.
    Jacquemin trembla. La bizarre question le rendit tout mélancolique. L’infernal rire lui donna le frisson. De lugubres pensées l’agitèrent. Il songea :
    – Ce rire me tuera. Au service de don Juan, je serai damné, c’est sûr. Mais je dois risquer cela pour le fils de don Luis Tenorio… Bon ! le voilà qui pleure à force de rire !
    Don Juan ne pleurait pas de rire.
    Avec plus de puissance évocatrice, il contemplait Léonor. Elle était là ! Elle marchait devant lui dans cette foule ! Ses bras se tendirent. Un sanglot râla dans sa gorge. Ce n’était pas Léonor ! Elle ne vivait que dans son imagination. Il balbutia :
    – Où es-tu, Léonor ?… Hélas ! où est mon âme ? Où est mon cœur ? Léonor, où donc es-tu ?…
     
    Cependant, Clother de Ponthus, suivant le cours de ces ruisseaux d’humanité que formaient les rues, avait été se perdre dans ce grand fleuve qu’était la rue Saint-Antoine.
    Une multitude chatoyante et clinquante, parmi de mouvants remous, roulait lentement sur la chaussée, bourgeois en habits de fête, grosses commères bavardes, jolies filles tâchant à se garer, avec de petites mines effarouchées, vaste bourdonnement que dominait le grondement du canon, tandis qu’au loin, vers la porte Saint-Antoine, montait l’immense clameur des vivats, foule joyeuse, curieuse, moqueuse, à travers laquelle, agitant leurs sonnettes, se frayaient un passage les marchandes d’oublies et de flans, les vendeurs de vin épicé et d’hydromel…
    Clother de Ponthus cherchait une place d’où il pût bien voir le cortège impérial qui, à ce moment même, venait de franchir la porte Saint-Antoine.
    C’est à peine s’il avait entrevu don Sanche d’Ulloa lorsque celui-ci l’avait relevé, mourant, à la « Grâce de Dieu » et l’avait fait transporter dans une chambre de paysans.
    Mais l’expressive physionomie du Commandeur s’était gravée dans son esprit, et il se faisait fort de le reconnaître dans l’escorte.
    Moyennant une pièce de monnaie, il prit place au premier rang de l’une des nombreuses estrades que d’adroits spéculateurs avaient élevées sur les deux bords de la rue.
    Et là, dévoré d’impatience, il attendit.
    Avec quels battements de cœur il attendit que passât devant lui le père de Léonor !
    Son regard se porta sur cette mer humaine qui roulait des flots houleux et déferlait à ses pieds. Il écouta cet énorme et sourd grondement qui est la respiration des océans et des foules.
    Et soudain, au loin, vers la porte Saint-Antoine, il eut la vision d’un large rang d’éblouissants cavaliers d’où s’élançait au ciel une fanfare de triomphe… Et, levant haut les instruments de cuivre aux oriflammes fleurdelisées, c’étaient les trompettes du roi qui ouvraient la marche… c’était l’impérial cortège qui entrait dans Paris, prestigieuse apparition de richesse et de grandeur, éclatante mêlée des costumes comme nous n’en voyons plus, héroïque décoration de rêve, théâtrale figuration à jamais disparue dans les brumes des siècles morts…
    Et une formidable acclamation du peuple ébloui gronda, roula, monta dans l’air…
    Et il sembla à Clother que les trompettes, les vivats, les rumeurs, les clameurs enfiévrées s’unissaient, se fondaient pour jeter à son cœur un cri unique :
    – Le Commandeur ! Voici venir le Commandeur ! Voici venir le père de celle que j’aime !…

XXII
 
LE COMMANDEUR
    C’était vraiment une de ces somptueuses mises en scène d’où débordait l’amour de l’art, où éclatait le sens d’élégance et de splendeur de ces âges où l’on fouillait chaque pierre de cathédrale pour en faire un chef-d’œuvre, où une serrure devenait un travail d’orfèvrerie, où les velours et la soie en leurs plus chatoyantes couleurs concouraient à vêtir les hommes, où l’inutile enfin primait l’utile, où le rêve écrasait la réalité…
    C’était Nancey à la tête des gardes, c’était le grand-prévôt suivi de ses archers, c’étaient les Suisses de la garde du roi, à pied, et puis les hérauts d’armes.
    Alors, traînée sur un char tout vêtu d’étoffe d’or, venait la statue d’Hercule offerte à l’empereur par la Ville de Paris ; elle avait six pieds de haut et était en argent massif.
    Puis, les

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