Douze
sang — les gens s’étaient tout simplement dispersés vers d’autres endroits de la ville. Il y avait peu d’espoir que quiconque sache où s’étaient rendus un cordonnier particulier et sa fille. Je poursuivis vers le rendez-vous auquel, je l’espérais, Vadim assisterait.
Il n’était pas là lorsque j’arrivai, un peu avant 21 heures. Il ne me fallut qu’un instant pour retrouver le message que j’avais laissé à son intention, griffonné dans la pierre tendre sur une partie basse du mur. Mon cœur battit plus vite dans l’anticipation qu’il ait pu le faire suivre d’un message de réponse, mais il n’y avait rien. J’attendis une heure, mais Vadim ne vint pas. Je m’en retournai vers mon lit.
Le lendemain matin, je fis la tournée des six autres points de rencontre, un peu comme je l’avais fait le dernier jour avant mon départ de Moscou. Mon but était, comme ç’avait été en partie le cas la veille au soir à l’église, de vérifier si Vadim avait laissé la moindre réponse à mes messages. La plupart d’entre eux étaient restés intacts. L’un de ceux tracés à la craie avait complètement disparu, probablement lavé par la pluie, et un autre avait été à moitié frotté mais il était encore, pour l’essentiel, lisible. Toutefois, je ne trouvai avec aucun d’entre eux une réponse correspondante de Vadim. Je vérifiai même la taverne incendiée, où je n’avais rien laissé du tout, au cas où Vadim y aurait écrit un message, mais il n’y avait rien.
S’il avait lu l’un des messages, il y aurait sûrement répondu. Même s’il avait instantanément décidé de nous rejoindre à Iouriev-Polski, il aurait au moins indiqué qu’il était passé au lieu de rendez-vous. Il était bien entendu possible qu’il soit venu sur place mais qu’il n’ait pas vu le message ; toutefois, je les avais placés à des endroits conventionnels, à des endroits où Vadim, avec ses années d’expérience, aurait certainement regardé. Je ne pouvais que conclure qu’il n’avait participé à aucun des rendez-vous depuis que nous l’avions vu pour la dernière fois, sous les arcades de Saint-Basile. Comme nous, il avait dû quitter la ville peu après. Mais même ainsi, n’avait-il pas laissé de messages à notre intention, comme je l’avais fait ? Ou alors il n’avait jamais quitté la ville et ne le pourrait plus jamais.
Cela semblait de plus en plus probable. Si Iouda s’était rendu compte que Vadim le suivait, il n’aurait eu aucun scrupule à se débarrasser de son poursuivant et à s’offrir un bon repas du même coup. Vadim aurait certainement bien combattu, mais son scepticisme était évident à la mention du mot « voordalak », et il n’avait peut-être pas été aussi prudent qu’il l’aurait dû. De surcroît, c’était Iouda, et non Vadim, que j’avais vu le plus récemment. Et qui sait s’il n’avait pas croisé l’un des autres Opritchniki ? En ce cas, Vadim n’aurait eu aucune chance. C’était une ironie du sort et un très faible réconfort de savoir que Iouda lui-même n’avait péri que quelques heures plus tard dans le brasier de la cave.
Mais, bien que je le redoute, je n’en savais rien. Il était tout aussi probable que Vadim ait fui Moscou. Si c’était le cas, comme la ville revenait à la vie, c’était maintenant le moment où il serait le plus susceptible de revenir, exactement comme moi. Je pouvais seulement me présenter à l’endroit approprié à 21 heures chaque soir, et espérer.
Cet après-midi-là, je me rendis rue Degtiarni. Je n’avais pas définitivement renoncé à Domnikiia mais, si elle était perdue pour moi, je voulais au moins que cela se termine sur une base amicale. Je voulais également me jeter à ses pieds et lui dire que je l’aimais, mais elle en était bien consciente et le dire ne changerait rien.
Je ne fus pas totalement surpris de constater que la maison close avait non seulement survécu aux incendies, mais aussi que Piotr Piétrovitch avait déjà repris les affaires, même si celles-ci ne semblaient pas encore être florissantes. Le fait que le bâtiment ait échappé aux flammes ne pouvait être attribué qu’à la chance, mais il était un homme qui savait comment être chanceux.
Domnikiia n’était pas dans le salon. Les autres filles étaient assises tout autour, languissantes, déjà fatiguées d’attendre des clients qui n’arrivaient pas. Aucune ne vint vers moi : elles
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