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Douze

Titel: Douze Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jasper Kent
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rafraîchissant, j’éprouvais en cet instant le désir de me laisser tenter par une conversation réconfortante avec mes amis. En de telles occasions, comme alors, je résistais à la tentation. J’avais une tâche plus importante que le soulagement de mon propre inconfort.
    J’observai avec un certain plaisir malsain Dimitri et Vadim aller et venir – comme le vrai père inconnu d’un enfant pouvait contempler celui-ci tandis qu’il jouait avec le mari de sa mère, ou comme un amant éconduit pouvait étudier sa bien-aimée à travers sa fenêtre ouverte –, prétendant être avec eux, imaginant la conversation comme si j’y prenais part, mais étant incapable de m’extraire des ombres et de les rejoindre. Ce ne fut qu’alors que je me rendis compte de la profondeur de ma solitude, quand la possibilité de la soulager était si cruellement proche. Bien que j’aie été heureux de voir Foma et Ioann la nuit précédente, je m’étais rapidement familiarisé avec leur absence totale de personnalité. Ils n’étaient pas seulement moroses ; ils n’étaient tout simplement rien – des portraits sans âmes d’hommes venus d’un pays lointain, que j’avais l’impression de n’avoir jamais rencontrés en personne.
    Vadim et Dimitri étaient en train de traverser le pont pour la quatrième fois quand ils rencontrèrent deux autres silhouettes provenant de la direction opposée. L’une d’elle était Varfolomeï ; je ne parvins pas à identifier l’autre. Ce n’était pas Iouda, qu’il était facile de reconnaître rien qu’à sa taille, à sa chevelure ou à sa prestance. Les deux Opritchniki parlèrent un peu avec Vadim et Dimitri, mais pas plus de cinq minutes, puis mes amis s’en furent, se dirigeant tous les deux vers le nord. Les Opritchniki attendirent un petit moment pour s’assurer que leurs interlocuteurs étaient partis, puis se mirent en route eux-mêmes. Varfolomeï se dirigea vers le nord tandis que l’autre, une fois qu’il eut franchi l’extrémité sud du pont, tourna à droite et poursuivit le long de la digue où j’étais caché.
    Lorsqu’il passa, je vis que c’était Matfeï. Je reculai dans les buissons et il passa devant moi, ignorant ma présence ou, du moins, n’y réagissant pas. Je le suivis, à peu près comme je l’avais fait avec Foma la nuit précédente. Il me semblait qu’il tenait à revenir du côté nord de la rivière, mais il n’était pas encore familiarisé avec la géographie de la ville. Le cours d’eau s’incurvait vers le sud et nous eûmes à parcourir pratiquement deux verstes avant de parvenir au pont de Crimée et d’être en mesure de traverser. Presque immédiatement, Matfeï repéra une patrouille française que, comme Foma, il suivit à bonne distance. Nous poursuivîmes ainsi pendant environ une demi-heure, mais Matfeï ne fit pas la moindre tentative pour attaquer la patrouille. Pour autant que je puisse dire, il était encore tôt dans leur tour de garde et ils pouvaient ne pas retourner à la caserne avant plusieurs heures.
    Finalement, Matfeï dut parvenir à cette conclusion lui aussi, car il fut distrait par le son d’un agréable baryton français émanant de l’une des plus grandes maisons devant lesquelles nous étions passés. Il y avait de la lumière à la fenêtre, mais je ne pouvais voir qui était à l’intérieur. Matfeï s’approcha furtivement et regarda avec attention à travers la vitre. Soudain, il se lança. Une fois encore, comme ç’avait été le cas avec Foma, il me rappela un chat qui se crispe lorsqu’il aperçoit sa proie. Soit la porte était déverrouillée, soit il avait une technique quelconque pour l’ouvrir, car il fut bientôt à l’intérieur de la maison, me laissant observer et attendre dehors dans les ténèbres, l’oreille aux aguets.
    La voix agréable du Français poursuivit sa sérénade nocturne. À notre arrivée, il avait chanté une aria que j’avais reconnue comme étant tirée du Fidelio de Beethoven. À Austerlitz, des chants de cet opéra alors nouveau avaient été sur les lèvres de tous les soldats, français aussi bien qu’autrichiens, ainsi que sur celles de certains des Russes les plus cosmopolites. Le chanteur invisible était maintenant passé à ce vieux succès (dans certains quartiers) qu’était La Marseillaise . Je souris pour moi-même ; je pouvais très bien imaginer Vadim outré à l’idée d’entendre cette chanson dans une maison de Moscou, mais je

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