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Douze

Titel: Douze Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jasper Kent
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en face. (Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, mais Foma avait déjà disparu dans la nuit.) On ne peut pas laisser les locaux traîner dans le coin.
    — Je suis désolé, commandant, dis-je.
    La colère commença à monter en moi, particulièrement en l’entendant prononcer des mots aussi dédaigneux que «locaux», mais ce n’était pas la colère du capitaine Alexeï Ivanovitch Danilov face au comportement bravache d’un sous-officier effrayé dans un pays étranger. C’était la colère du majordome russe sans domicile que j’étais devenu, comme je devenais toujours le personnage que je devais prétendre être. Cela ne convaincrait pas ce lieutenant si le Moscovite en face de lui se contentait de rester calme. Je devais rester calme, mais procéder ainsi malgré moi et lui montrer clairement que j’étais en colère et que je me contenais impérieusement afin de ne pas le montrer. Il est difficile de jongler avec tant de couches de duperie. Il est préférable, simplement, d’y croire soi-même, afin que personne ne puisse mettre en doute notre sincérité.
    Il était indigne de lui de me chasser, mais il ne dit rien de plus et je détalai donc à la suite de Foma. Toutefois, la piste était maintenant froide. Foma avait eu à peine une demi-minute d’avance, mais il avait déjà dû avoir le choix entre au moins dix directions. Je n’abandonnai pas – j’étais toujours prêt à jouer un coup à dix contre un – mais, en cette occasion, il s’avéra qu’il avait choisi l’une des neuf autres.
    Je m’en retournai à mon étable à Zamoskvorechié et me couchai.

    Le jour suivant, je revins à l’école. À ce moment-là, j’avais une allure assez déplorable. Je n’avais pas à proprement parlé dormi à l’extérieur, comme c’était le cas pour certains des habitants de Moscou, mais j’étais pourtant sale et échevelé, et j’avais l’odeur de la rue. Cela me parut un bon prétexte pour lancer une conversation avec les deux gardes qui se tenaient devant l’école.
    — Excusez-moi, messieurs, leur dis-je en russe. Auriez-vous de la nourriture ?
    Ils me jetèrent un regard vide.
    — Du pain, peut-être ?
    Ils ne comprenaient toujours pas. Je passai au français.
    — Du pain ? Du pain ? 3 plaidai-je, comme si c’était l’unique phrase que je connaissais en français et essayant de la prononcer avec un accent russe.
    Mes yeux étaient remplis de vraies larmes et l’un des gardes se rendit à l’intérieur, revenant quelques instants plus tard avec une croûte sale.
    — Merci, monsieur, poursuivis-je en français, m’imaginant que la plupart des Moscovites en connaissaient au moins autant.
    Je m’accroupis sur le trottoir, le dos au mur, et rognai avidement le pain rassis. Ils se montrèrent peu enclins à me déloger. Un troisième soldat se joignit aux deux gardes.
    — Des nouvelles d’Albert ? lui demanda le premier garde.
    — Toujours rien, répondit-il.
    — Je suis certain qu’il est rentré avec nous la nuit dernière, dit le second.
    — Oh, ça oui. Son lit était défait – et taché de sang –, mais il n’y a pas le moindre signe de lui. Même s’il a été assassiné, il devrait y avoir un cadavre.
    Une scène me revint en mémoire : quelques jours plus tôt, près de Goriatchkino, lorsque les Opritchniki avaient été si prompts à enlever les corps de tous les soldats qu’ils avaient massacrés à côté de la ferme.
    — Une des patrouilles la nuit dernière a croisé un Russe qui dormait à la dure – ou faisait semblant – juste là-bas. (Le premier garde fit un signe de tête en direction du porche où j’avais été trouvé la nuit précédente.) C’était peut-être un guetteur.
    — Peut-être, glissa le nouveau venu.
    Puis, pour donner libre cours à sa frustration, il me donna un violent coup de pied dans la jambe tout en m’ordonnant hargneusement « Bistro ! Bistro ! ». L’accent était quasiment impénétrable, mais c’était le seul mot de russe que la plupart des envahisseurs avaient pris la peine d’apprendre : «Vite ! Vite ! » Il était utilisé en toute occasion, que ce soit, comme à l’instant, pour me remettre rapidement en chemin ou pour libérer le passage devant eux, ou – avec une urgence croissante à mesure que le temps passa – pour se procurer un repas. Dans ce cas, c’était une occasion pour moi de m’enfuir. Je m’exécutai avec joie.

    Je passai la journée à peu près comme la précédente,

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